FORUM - 3 AVRIL 2000

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Courrier


Les censeurs sont de retour!

Nous sommes inondés, ces dernières semaines, par la presse universitaire, y compris Forum, et la presse tout court d'articles ou de déclarations dénonçant le contrat d'exclusivité passé par l'Université de Montréal avec une société distributrice de boissons gazeuses et, plus généralement, l'affichage publicitaire dans nos murs. Les censeurs ne font pas dans la dentelle. L'Université serait devenue la pute (sic) du secteur privé. Le temple de la recherche scientifique serait souillé par le maquignonnage néolibéral. La présence sur le campus de la canette de Pepsi, pour ne pas la nommer, serait le symbole de l'asservissement du monde de l'enseignement au capitalisme international, ce qui, incidemment, en dit long sur la capacité de déduction scientifique de nos critiques. Les étudiants, assimilés pour la circonstance à des niais impubères, seraient inévitablement appelés à succomber au charme d'affiches vantant les produits X, Y ou Z. Un éminent professeur d'histoire contemporaine de notre université, véritable héros cornélien, aurait même remis sa démission, ne pouvant plus, nous dit-on, supporter la vue "polluante" de placards publicitaires dans les couloirs menant à son bureau. Décidément, si cela continue, l'immolation devant la machine distributrice est pour demain.

Il est grand temps, je crois, de remettre les horloges à l'heure juste.

Premièrement, si pauvreté rime avec pureté, elles ne sont pas pour autant synonymes. Les contrats d'exclusivité apportent de l'argent frais aux associations estudiantines et il est difficile de voir comment ces apports pourraient limiter la liberté d'enseignement, n'allant pas à des programmes ou à des centres de recherche précis.

Deuxièmement, mais c'est un avis personnel, l'affichage auquel nous sommes confrontés est, en général, particulièrement imaginatif. "Volkswagen, la voiture aux facultés supérieures" mérite un oscar de la pub. Les couleurs sont en outre égayantes alors que, dans le passé, nos couloirs sombraient dans la morne banalité du noir et blanc, ce qui, par comparaison, donnait aux salons funéraires d'Urgel Bourgie des allures de discothèques branchées.

Troisièmement, les contrats d'exclusivité ne faussent pas la concurrence dans l'environnement où nous vivons. Il suffit de traverser la rue pour trouver chez l'épicier du coin d'autres marques et produits à d'autres prix.

Finalement, cessez, dans votre paternalisme envahissant, de nous considérer comme incapables de faire nos choix de consommation. La publicité nous offre certes certaines options, mais, tout autant, nous incite très souvent à chercher ailleurs.

André Martens
Professeur de sciences économiques


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