Iran: les bahaïs exclus de l'université

Les bahaïs de l'UdeM veulent sensibiliser la communauté universitaire au sort de leurs coreligionnaires.

John MacLeod

L'exécution d'un membre de la communauté bahaïe en Iran en juillet dernier, suivie de la fermeture de leur institut d'enseignement supérieur il y a deux mois, fait craindre le pire aux bahaïs d'ici.

"Depuis quelques années, il y avait un répit dans la violence contre les bahaïs en Iran, mais nous craignons qu'il y ait maintenant une reprise de la répression", s'inquiète John MacLeod, professeur à l'École d'architecture de paysage et converti au bahaïsme depuis 25 ans.

L'Association d'études bahaïes de l'Université de Montréal, qui compte une quinzaine de membres étudiants et professeurs, a entrepris une campagne de sensibilisation afin d'amener la communauté universitaire à soutenir leur action en faveur du respect des droits humains de leurs coreligionnaires iraniens.

Expulsés des universités
"Nous voulons d'abord que les gens sachent ce qui se passe en Iran, reprend le professeur MacLeod. Depuis la révolution de 1979, plus de 200 bahaïs ont été tués et des milliers ont été emprisonnés uniquement à cause de leur appartenance religieuse. En 1991, ils ont été expulsés des universités et l'on vient de fermer par la force l'Institut bahaï d'enseignement supérieur. Les universitaires d'ici ne peuvent rester insensibles au fait qu'on interdise à une communauté l'accès aux études supérieures uniquement sur la base de sa croyance religieuse."

Un décret gouvernemental de 1991 indique qu'il faut non seulement expulser les bahaïs des universités, mais leur refuser tout emploi et entraver leur développement culturel aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran.

L'Institut bahaï, qui a compté plus de 900 étudiants et 150 professeurs, avait été créé par les bahaïs expulsés des universités publiques. Il ne s'agissait pas d'un institut religieux mais d'une école offrant des cours dans une dizaine de disciplines, dont la chimie, la biologie, la dentisterie et la psychologie. Sans être clandestin, l'Institut opérait dans des conditions extrêmement difficiles, logé dans des résidences privées et comptant sur un personnel bénévole. Sa fermeture a été précédée par l'arrestation de 36 universitaires et les biens ont été confisqués.

Appel international
Alors que deux autres exécutions ont été annoncées depuis celle de juillet dernier, la Chambre des communes adoptait, le 7 octobre, une résolution demandant à l'Iran de mettre fin à l'oppression contre la communauté bahaïe et de respecter les pactes internationaux relatifs aux droits de la personne. L'Association bahaïe de l'UdeM voudrait que l'Université fasse de même et une demande en ce sens a été adressée au recteur.

"L'Iran se préoccupe de ses rapports internationaux, estime John MacLeod. L'intervention des communautés universitaires dans le monde peut contribuer à freiner la répression. Nous visons également à faire pression sur l'UNESCO puisque l'interdiction d'accès à l'université pour les bahaïs est contraire aux pactes internationaux de l'ONU signés par l'Iran."

Selon le professeur, la seule raison de cette répression est le fait que le bahaïsme est postérieur à l'islam. "L'Iran reconnaît les droits des chrétiens et des juifs parce que leurs religions sont antérieures à l'islam, mais pas le bahaïsme."

Il assure également qu'il n'y a pas de lutte armée au sein de cette minorité: "Les bahaïs ne se mêlent pas de politique et respectent les gouvernements en place."

Daniel Baril

Qu'est-ce que le bahaïsme?

Le bahaïsme a été fondé en Perse au milieu du 19e siècle par Baha' Allah, nom signifiant "la porte qui mène à Allah". Ses membres considèrent son fondateur comme un messager divin au même titre que Moïse, Jésus ou Mahomet. Les bahaïs ne se considèrent pas comme une secte musulmane mais comme les adeptes d'une religion aussi distincte de l'islam que l'est le christianisme du judaïsme.

On compte quelque six millions de bahaïs dans le monde et il s'agirait de la religion la plus répandue géographiquement après le christianisme. Près de 300 000 bahaïs vivent en Iran, où ils forment la minorité religieuse la plus importante et où ils ont toujours été persécutés; entre 1840 et 1850, 20 000 membres d'une secte prébahaïe ont été massacrés.

Dans cette religion sans clergé, les représentants sont désignés par les communautés de base en fonction de leurs valeurs morales. Un des principaux principes du bahaïsme est que "la terre n'est qu'un seul pays et tous les humains en sont les citoyens". Résolument centrés sur l'égalité de tous les individus et de toutes les religions, les bahaïs professaient déjà l'égalité entre hommes et femmes au 19e siècle. La première Iranienne à avoir laissé tomber le voile était une poète bahaïe; elle n'a pas survécu longtemps à son geste.

D.B.