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Alerte aux «drogues du viol»

Le GHB et le Rohypnol pourraient faire des ravages à Montréal.

Luc Chabot

Le scénario est aussi simple que dramatique: un homme aborde une femme et lui offre un verre. Quelques minutes plus tard, se sentant somnolente, elle veut rentrer. L'homme la raccompagne. Elle se réveille le lendemain matin dans une chambre d'hôtel qu'elle ne reconnaît pas, avec des condoms usagés autour d'elle.

Elle vient d'être victime d'une "drogue du viol" - le gamma-hydroxybutyrate (GHB) ou le Rohypnol - qui, mélangée à de l'alcool, provoque une sensation d'ivresse très avancée en plus de rendre amnésique. Parfois, couverte de blessures, la victime ignore jusqu'au nombre de ses agresseurs.

"Ces drogues circulent actuellement à Montréal. Récemment, deux étudiantes de l'Université McGill ont subi ce type d'agression. Ces drogues sont dangereuses. Elles font de véritables ravages sur les campus en Floride et en Californie", explique Luc Chabot, responsable du programme de Certificat en prévention des toxicomanies à la Faculté de l'éducation permanente.

Ce qui est étonnant avec le GHB, inventé par le biologiste Henri Laborit en 1960, c'est qu'on en trouvait en vente libre dans les magasins de produits naturels jusqu'au début des années 1990. Cette drogue était appréciée pour ses qualités stimulantes et ses effets d'atténuation de la douleur. Les culturistes en faisaient bon usage.

Mais durant les années 1980, le GHB a fait l'objet d'études approfondies de la part de la Drug and Food Administration, aux États-Unis, puis de Santé Canada. Quand les deux organismes ont mieux compris les effets catastrophiques de cette drogue lorsqu'elle est mélangée à l'alcool (perte de conscience, amnésie), on l'a vite retirée du marché.

C'est la mode rave qui l'a ramenée parmi les psychotropes "branchés", où figure aussi l'ecstasy, un opiacé qui exacerbe les sensations tactiles et qui permet de danser toute la nuit.

La simplicité d'utilisation et le faible coût rendent l'usage du GHB à la portée de tous. Un flacon d'une dizaine de grammes (de la grosseur d'une bouteille de shampoing qu'on trouve dans les hôtels) coûte à peine 10$. La drogue vient aussi sous forme de poudre qui se dissout en un rien de temps et est incolore, inodore et sans saveur.

 

Pas d'accusations pour possession

Ce qui ne simplifie pas le travail des policiers, c'est qu'ils ne peuvent pas porter d'accusations pour simple possession de GHB ou de Rohypnol. Ces drogues trop récentes ne figurent pas sur la liste des produits interdits par le code criminel. Les agents de police se limitent donc à la saisie, comme lorsqu'un douanier confisque un saucisson ou un fromage dans les bagages d'un voyageur arrivant d'outre-mer.

"Il y a actuellement un vide juridique autour de ces drogues, explique M. Chabot. Leur commercialisation et la vente au détail sont interdites, mais les laboratoires maison sont nombreux. On peut même trouver les recettes de ces drogues sur Internet."

Mis au point par la compagnie pharmaceutique Roche, le Rohypnol est une benzodiazépine extrêmement puissante. Une seule dose équivaut à 10 fois la puissance d'un comprimé de valium. On comprend pourquoi ce produit a été interdit au pays. Mais au Mexique et dans certains pays d'Amérique du Sud, il est encore délivré sur prescription.

Le principe valant pour le GHB vaut aussi pour le Rohypnol, mais d'une façon encore plus prononcée. Ingéré avec l'alcool, ce sédatif provoque une amnésie complète et inévitable.

 

Des victimes faciles

Le responsable du Certificat en prévention des toxicomanies croit que le temps des Fêtes qui s'amorce pourrait être propice à l'utilisation de ces substances. Les jeunes femmes qui sortent seules dans les bars sont des victimes faciles. "Il faut se méfier, dit-il. Toujours tenir son verre dans la main, refuser les consommations d'une personne qu'on ne connaît pas et être vigilant."

Les crimes à caractère sexuel sont de loin les plus courants, mais ces drogues ont aussi profité à des voleurs de gens d'affaires prospères, habitués à fréquenter les bars. Un petit peu de poudre dans le scotch et le tour est joué. "Une seule dose, un seul verre d'alcool suffit; effet assuré en 20 minutes", dit Luc Chabot.

Cette alerte aux "drogues du viol" ne constitue pas le premier combat de cet ex-directeur des centres Jean-Lapointe pour adolescents, qui traitent bon an mal an jusqu'à 160 jeunes aux prises avec des problèmes de toxicomanie, à Montréal et à Québec. Responsable du certificat de la FEP depuis bientôt un an, il est en quelque sorte revenu à la maison comme en témoigne sa solide formation universitaire: baccalauréat en éducation physique, certificat en toxicomanies, licence en enseignement, maîtrise en andragogie et certification internationale en alcoolisme et toxicomanies.

Mathieu-Robert Sauvé


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