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Biocontrôle et environnement

Le Groupe de recherche en transport membranaire dans la course pour un réseau de centres d'excellence.

Jean-Louis Schwartz
et Raynald Laprade

"Le biocontrôle, c'est l'utilisation d'organismes biologiques tels que bactéries, virus ou champignons dans la lutte contre les ravageurs, que ce soit les insectes ou les mauvaises herbes", explique Raynald Laprade, directeur du Département de physique.

Membre du Groupe de recherche en transport membranaire (GRTM), le biophysicien travaille depuis plusieurs années à la composition d'insecticides biologiques à base de protéines produites par le bacille de Thuringe, une bactérie qu'on retrouve en abondance dans le sol. De tels insecticides sont déjà utilisés depuis une vingtaine d'années là où le recours aux insecticides chimiques est interdit, notamment dans la lutte contre la tordeuse des bourgeons d'épinette.

"Il y a des milliers de souches du bacille de Thuringe, poursuit le chercheur. Nos recherches visent d'une part à identifier les souches les plus efficaces et d'autre part à modifier, par génie génétique, la structure moléculaire des protéines afin de maximiser leur effet."

Les protéines utilisées sont des protoxines qui se fixent aux parois de l'intestin de l'insecte et le rendent perméable. L'avenir de la lutte contre les insectes ravageurs serait assurément du côté du biocontrôle qui, de l'avis du professeur Laprade, serait sans risque pour l'environnement.

"Les insecticides chimiques, qui représentent 90% des produits utilisés contre les ravageurs, sont périmés au bout de deux ou trois ans à cause du développement de la résistance", ajoute son collègue Jean-Louis Schwartz, professeur au Département de physiologie et rattaché à l'Institut de recherche en biotechnologie. "L'insecticide biologique ne pollue pas et peut même être destiné à une seule classe précise d'insectes."

 

Réseau d'excellence

Mais les deux chercheurs admettent qu'il existe déjà des cas de résistance au bacille de Thuringe, notamment dans des milieux fermés comme à Hawaï, où la sélection naturelle est très forte. Le GRTM s'est donc lancé dans la course à la production d'outils de remplacement en recherchant de nouvelles toxines présentant d'autres modes de fixation.

Pour soutenir cette cause, les deux chercheurs ont présenté un projet de réseau en biocontrôle dans le cadre du dernier programme des réseaux de centres d'excellence (RCE) lancé par le gouvernement fédéral à l'automne. Le projet, parmi 74 autres provenant de partout au Canada, a franchi la première étape de sélection, ce qui a valu aux promoteurs une subvention de 25,000$ pour développer leur projet à laquelle l'Université de Montréal a ajouté 30,000$.

Au terme du concours, trois nouveaux réseaux de centres d'excellence seront créés; ils jouiront chacun d'une subvention d'environ trois millions de dollars par année pendant une période de 7 ans, possiblement 14 ans si l'évaluation est positive.

"Nos chances sont très bonnes, estime Raynald Laprade, parce que le besoin d'un réseau en biocontrôle est bien défini et que les retombées socio-économiques peuvent être très importantes. Nos objectifs visent la diminution des risques environnementaux, la protection de la santé, le développement d'une nouvelle industrie et le maintien de la biodiversité." La réponse enthousiaste qu'il reçoit du milieu permet tous les espoirs. "Quoi qu'il arrive, il y aura un réseau dans ce domaine."

 

Modèle intégré

Les critères des RCE sont très élevés: excellence des chercheurs engagés dans le projet, formation de nouveaux chercheurs, liens de coopération entre les divers groupes de recherche dans la discipline, transfert de technologie vers l'entreprise et capacité de gestion des responsables. Non seulement les professeurs Laprade et Schwartz sont-ils convaincus que leur projet répond à ces exigences, mais ils font valoir qu'il présente un caractère unique: un modèle vertical de gestion intégrée.

"En plus de couvrir tous les aspects fondamentaux de la recherche, notre projet de réseau regroupe également des intervenants comme des producteurs agricoles et même des groupes écologistes, souligne Jean-Louis Schwartz. Cette complexité du réseau fait sa force, mais constitue également un défi pour ce qui est de la gestion efficace."

Une centaine de chercheurs sont associés au projet, dont 68 proviennent d'une vingtaine d'universités canadiennes et 32 de laboratoires gouvernementaux ou industriels. Ils seront plus précisément regroupés autour de six thématiques de recherche, soit les virus, les bactéries, les champignons, la physiologie des insectes, les plantes transgéniques et la gestion intégrée.

Mais inclure des groupes écologistes dans ce tableau n'équivaut-il pas à se mettre des bâtons dans les roues? "Ils font partie de la complexité et les craintes à l'égard des insecticides biologiques viennent de la méconnaissance de ces produits, répond Raynald Laprade. En les associant à la recherche de produits efficaces, ils seront à même d'en comprendre le bien-fondé et les appréhensions diminueront."

"Ils contribueront également à notre propre éducation afin d'arriver à quelque chose d'accepta-ble pour tous", ajoute le professeur Schwartz.

La décision relative aux projets gagnants sera connue en octobre prochain. Les professeurs Laprade et Schwartz se disent en mesure de pouvoir entreprendre leurs activités avant la fin de 1998.

Daniel Baril


Pendant ce temps, en neurologie...

Alors que le gouvernement fédéral s'apprête à créer trois nouveaux réseaux d'excellence, trois réseaux déjà existants voient leurs subventions prendre fin au 1er avril. Parmi les victimes se trouve le réseau NeuroScience, codirigé par l'Université de Montréal et l'Université McGill. Ce réseau était, à sa création en 1989, le plus important des centres d'excellence.

Pour Serge Rossignol, directeur du Centre de recherche en sciences neurologiques de l'UdeM, la décision du comité de sélection est totalement injustifiée. "Le réseau NeuroScience a très bien fonctionné pendant huit ans et un comité d'experts international en a présenté un bilan très élogieux l'été dernier."

Le rapport du comité de sélection des RCE en fait pour sa part une évaluation plutôt négative, soutenant que les objectifs n'ont pas été atteints. Des extraits des deux rapports diamétralement opposés peuvent être consultés en parallèle sur le site Internet de NeuroScience: on jurerait qu'il ne s'agit pas du même réseau!

Le Dr Rossignol croit que l'abandon de certains projets en cours de route peut avoir motivé le non-renouvellement de la subvention. "Ils ont soutenu que cela créait de l'instabilité dans la formation des chercheurs, ce qui est absolument faux, soutient-il. En recherche, il est normal que des projets qui ne mènent à rien soient abandonnés; cela fait partie d'une saine gestion. Et cette façon de faire n'a jamais nuit à la formation des étudiants."

La moitié des fonds de recherche de son laboratoire provenaient des subventions des RCE; trois techniciens et une secrétaire sont directement touchés par ce non-renouvellement. À l'échelle canadienne, la recherche en neurologie perd six millions de dollars par année, dont un million en bourses.

"Environ 50 millions de dollars ont été investis dans la construction de ce réseau, qui a permis d'établir une culture industrielle qui n'existait pas. Tout ce travail novateur aura été accompli en vain", déplore le directeur.

Aux yeux du chercheur, de tels réseaux sont essentiels parce qu'ils permettent d'implanter une infrastructure assurant un lien entre les centres de recherche et l'industrie ou même de créer de nouveaux secteurs industriels.

Daniel Baril


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