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Stéphane Dion ou le bonheur d'être Canadien

«La fédération canadienne nous rend tous meilleurs citoyens.»

Rien de trop beau: "L'idéal canadien est celui d'un pays où l'être humain a les meilleures chances d'être considéré comme un être humain. Cet idéal est d'atteindre, selon la formule de Jean-Jacques Rousseau, le beau, le bien, le vrai, là où est ma patrie."

C'est en ces termes grandiloquents que le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales Stéphane Dion a décrit le Canada au cours de son passage à l'Université de Montréal mercredi dernier. Le politologue devenu politicien s'est même fait visionnaire: "Le Canada, a-t-il ajouté, est une préfiguration de ce que le monde peut devenir."

Stéphane Dion répondait à une invitation de l'Association des étudiants en droit. L'invitation coïncidait en fait avec l'intention exprimée par le ministre de suivre à la trace Lucien Bouchard, qui le précédait à la même tribune trois semaines plus tôt.

Avant de donner la réplique au premier ministre du Québec, le ministre Dion a rappelé le rôle historique de leader exercé par le Canada dans l'établissement des démocraties parlementaires. En outre, cette démocratisation se serait réalisée dans de meilleures conditions ici qu'ailleurs: "sans révolution sanglante", soutient-il, malgré "le sang versé dans les rébellions du Bas et du Haut-Canada".

Concernant la Conquête et sa suite avec le rapport Durham, le ministre est d'avis que "ce qui est exceptionnel au Canada, ce n'est pas que l'assimilation y ait été recherchée mais qu'elle n'ait pas triomphé". Cette intention ratée ne l'a pas empêché d'ajouter que "la démocratie canadienne ne s'est pas faite contre nous ni malgré nous; elle s'est faite avec nous. Nous pouvons en être fiers."

La Cour suprême

Le ministre Dion a par ailleurs dit et répété que le renvoi, devant la Cour suprême, du droit du Québec à l'autodétermination n'avait que des buts "purement juridiques" et ne signifiait pas que le gouvernement demande au tribunal de se prononcer à la place des élus ou du peuple.

"Dire que c'est au peuple de décider et non aux juges est un slogan facile. Il faut s'en remettre au tribunal pour clarifier le cadre légal. Il est peu de choses plus dangereuses en démocratie qu'un gouvernement qui sort du cadre juridique tout en exigeant quand même l'obéissance des citoyens. La démocratie ne tient pas tout entière dans le principe majoritaire et une majorité simple ne donne à aucun gouvernement le droit d'annuler unilatéralement les garanties constitutionnelles qu'un pays accorde à ses citoyens."

Toujours de l'avis de Stéphane Dion, les indépendantistes rêvent s'ils croient que le rapatriement de la Constitution en 1982 sans l'accord du Québec peut émouvoir l'opinion internationale. Il lui arrive parfois de penser qu'une façon simple de régler le problème serait d'écrire un nouvel article 2 à la Constitution: "'Le Canada a été injuste avec tout le monde.' Après, on refermerait le livre et l'on jouirait ensemble des bienfaits de notre pays."

Améliorer la démocratie

Malgré tant de bontés, le Canada de Stéphane Dion demeure un pays perfectible. "Nous devons solidifier et améliorer notre démocratie, et c'est ensemble que nous nous donnons les meilleures chances d'y parvenir. Nous séparer, surtout sur le clivage entre francophones et anglophones, défaire ce qui nous a réunis à l'origine serait une défaite morale. Nous avons trop appris de notre histoire pour ne pas voir que le fait de partager ensemble cette fédération généreuse nous rend, tous, meilleurs citoyens."

Et ceux qui croient que la pression du nationalisme québécois est un gage de protection des valeurs qui nous distinguent se trompent. Le Canada serait plus facile à réformer "sans la menace séparatiste dans les jambes". Quant à la reconnaissance d'un statut distinct pour le Québec, ce ne serait pas une façon d'améliorer les choses. "Cette idée est incompatible avec l'idée de fédération, déclarait-il en réponse à une question de la salle. En Suisse, en Belgique ou en Allemagne, poser la question d'un statut distinct pour une région, c'est comme si on les griffait."

Le ministre a aussi eu à défendre le Fonds du millénaire, perçu par certains comme un détournement des sommes épargnées par les compressions dans les transferts aux provinces. "Au Québec, le quart de vos prêts et bourses provient du gouvernement fédéral, alors que la proportion est de 75% aux États-Unis. Dans un contexte de concurrence internationale, il est important de ne pas abandonner la formation universitaire et d'établir une fondation en synergie avec les banques."

La diminution des transferts aux provinces a par ailleurs été moins forte que ce qui avait été annoncé, a précisé le ministre, "et cinq provinces ont même des surplus. On n'a donc pas été si injuste."

Mis à part une accusation de coma intellectuel et une demande d'excuse pour la détérioration de la qualité de l'éducation, le débat que l'on pouvait prévoir mordant s'est déroulé de façon plutôt complaisante, plusieurs questions n'étant que des faire-valoir. Et contrairement à Lucien Bouchard, Stéphane Dion n'a même pas eu droit au sit-in des gauchistes.

Daniel Baril


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