Volume 35 numéro 30
22 mai 2001

 


Déficit de sommeil chez les adolescents
Rallonger la journée de classe en la faisant débuter plus tôt le matin irait à l’encontre des rythmes biologiques.

Même si les adolescents dorment moins avec l’âge, il semble y avoir une corrélation entre somnolence diurne accrue et développement de la puberté, indique Luc Laberge.

Récemment, le ministre de l’Éducation du Québec, François Legault, réfléchissait à voix haute sur la nécessité de prolonger la journée de classe afin de favoriser la réussite scolaire.

Si l’intention du ministre était d’augmenter le temps de classe en faisant débuter la journée plus tôt le matin — comme le demandent des groupes de parents au Canada et aux États-Unis —, il risquerait d’aller à l’encontre des rythmes biologiques des jeunes et d’aggraver leur déficit de sommeil, spécialement chez les élèves du secondaire.

«Tout indique qu’il y a une modification du cycle veille-sommeil à la puberté et que les adolescents devraient consacrer au sommeil plus d’heures qu’ils ne le font en réalité», rapporte Luc Laberge, qui a consacré son doctorat à cette question.

Ses recherches, effectuées au Centre d’étude du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur et dirigées par le Dr Jacques Montplaisir, montrent que les adolescents dorment de moins en moins en vieillissant et que leur besoin de sommeil n’est pas comblé.

À l’âge de 13 ans, le jeune dort en moyenne 9,5 heures par nuit pendant la semaine, ce qui représente une heure de moins qu’à l’âge de 10 ans. Il dort en revanche 10 heures par nuit les fins de semaine. Cette tendance à la réduction du sommeil se poursuit jusqu’à la fin de l’adolescence, alors que le nombre d’heures de sommeil en semaine s’établit aux alentours de 7 par nuit chez les jeunes âgés de 17 à 19 ans.

«En laboratoire, des adolescents étudiés pendant plusieurs étés consécutifs ont toutefois maintenu une moyenne de 9,2 heures de sommeil par nuit, rapporte Luc Laberge. Malgré la constance de leur durée de sommeil, ils étaient de plus en plus somnolents au cours de la journée d’un été à l’autre. Il semble donc y avoir une augmentation de la somnolence diurne concomitante avec le développement de la puberté.»

Ce phénomène s’observe également à travers les données qu’il a lui-même recueillies: à 13 ans, les filles dorment près de une demi-heure de plus que les garçons les nuits de fins de semaine, ce qui tend à attester la corrélation entre besoin de sommeil et puberté.


Facteurs sociaux

Selon le chercheur, les facteurs sociaux comme les études, le travail, les sorties et le relâchement du contrôle des parents sur les heures de coucher conduisent les adolescents à dormir de moins en moins malgré leur besoin constant de sommeil. Ils compensent partiellement ce déficit en dormant plus longtemps la fin de semaine, mais cette compensation serait insuffisante.

«Le National Institutes of Health des États-Unis considère les adolescents comme un groupe à risque pour la somnolence diurne excessive et la moitié des accidents de la route imputables à ce problème sont causés par des jeunes de moins de 25 ans, souligne-t-il. On sait également que les adultes qui présentent de tels troubles du sommeil ont souvent commencé à en être affectés pendant l’adolescence.»
Outre la somnolence diurne, les irrégularités entre les heures de coucher et de lever en semaine et au cours de la fin de semaine ainsi que l’insuffisance de sommeil peuvent entraîner divers problèmes comme des troubles de mémoire et une humeur dépressive, ce qui ne peut que nuire au rendement scolaire.

«Certaines évidences scientifiques indiquent également que l’horloge biologique prendrait du retard à la puberté, favorisant dès lors des heures de coucher et de lever de plus en plus tardives chez les adolescents», mentionne Luc Laberge.

Forcer les adolescents à se lever plus tôt en devançant le début des classes augmenterait donc l’écart entre les heures de lever de la semaine et celles de la fin de semaine, ce qui aggraverait d’autant le déficit de sommeil dont souffrent déjà beaucoup d’adolescents en plus d’aller à l’encontre des rythmes biologiques apparents.

Daniel Baril