Plasma
contre gaz à effet de serre
Un
procédé à base de plasma permet déliminer
99 % des gaz perfluorés
produits par les entreprises de microélectronique.
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À
droite, Michel Moisan en compagnie de Jean-Christophe
Rostaing, aux côtés du prototype de surfaguide
destiné à lépuration du krypton-xénon.
Photo:
J. Marchand/Air Liquide Canada.
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Les appareils
électroniques, qui prennent de plus en plus de place dans notre
vie quotidienne, paraissent bien écologiques. Mais les industries
qui les fabriquent rejettent des déchets gazeux qui ont un
impact très élevé sur leffet de serre.
«Certains gaz perfluorés produits par cette industrie
ont un pouvoir de réchauffement atmosphérique de 24 000
fois supérieur à celui du gaz carbonique! Alors que
la durée de vie du CO2 est de quelques
années, celle des fluorés se compte par milliers ou
même par dizaines de milliers dannées, ce qui représente
une éternité à léchelle des civilisations.»
Ces données ne viennent pas dun militant de Green Peace
mais dun ingénieur de lindustrie des gaz: Jean-Christophe
Rostaing, expert en recherche et développement à Air
Liquide France, une entreprise qui fournit les gaz en question aux
fabricants de composants électroniques.
Lindustrie a besoin de ces gaz pour graver, dans différentes
couches minces conductrices, semi-conductrices et isolantes, les motifs
des circuits intégrés des appareils électroniques
et pour nettoyer les chambres à vide où se fait lapplication
de ces couches minces. En valeur relative, les quantités rejetées
sont par contre infimes, soit quelques milliers de tonnes par année
par rapport à des milliards de tonnes pour le CO2.
Mais leur stabilité et leur pouvoir de réchauffement
en font un important facteur deffet de serre.
Détruits à 99 %
Le protocole de Kyoto, qui vise à ramener en 2008 le niveau
démission des gaz à effet de serre à 95 %
de ce quil était en 1995, a de lourdes conséquences
pour les entreprises de micro-informatique. «Pour les fabricants,
cela veut dire une réduction des émissions de gaz fluorés
de 95 à 99 %», affirme M. Rostaing.
Les chercheurs nont pas attendu les savantes considérations
de George W. Bush avant de se mettre au travail. Depuis déjà
six ans, Michel Moisan, professeur au Département de physique
et responsable du Groupe de physique des plasmas, travaille en collaboration
avec Air Liquide à un procédé à base de
plasma permettant de détruire les gaz fluorés.
Le procédé consiste à diluer les gaz dans de
lazote et à soumettre le tout à un plasma produit
par une décharge à micro-ondes de surface. Résultat:
99 % des gaz fluorés sont détruits. Sans révéler
son secret, Michel Moisan avoue quil a failli abandonner à
cause du défi technologique que cela représentait. «On
nous disait quil fallait être fou pour chercher de ce
côté», avoue-t-il.
Il a pourtant réussi là où tous les autres ont
échoué. Le procédé, fruit des recherches
dans lesquelles Air Liquide a investi 1,5 M$ depuis le début
de sa collaboration avec lUdeM, en est à létape
du prototype industriel. En plus dêtre efficace, la méthode
est économique et noccasionnerait que des coûts
minimes pour lindustrie. Selon Jean-Christophe Rostaing, ce
procédé délimination reviendrait à
10 $ la tonne en équivalent carbone (TEC), alors que lincinération
des rejets coûte 120 $ la TEC.
Chef de file en la matière
Le professeur Moisan était déjà reconnu internationalement
pour son expertise dans le domaine des sources de plasmas à
ondes de surface. Il est en fait à lorigine de cette
technologie connue sous le nom de «surfatron» ou «surfaguide»
et il est considéré comme un leader mondial dans le
domaine.
La méthode mise au point pour relever le défi de la
destruction des gaz fluorés avait déjà été
éprouvée pour les besoins dune autre application
industrielle, soit lélimination des impuretés
dans la production du krypton et du xénon. Le surfaguide permet
de réduire les impuretés dans ces gaz rares à
0,1 ppm.
Lusage quon fait du xénon nécessite un très
haut taux de pureté. Il est notamment utilisé dans les
moteurs à propulsion ionique servant à repositionner
les satellites de télécommunication et pour certains
cas danesthésies où il faut éviter les
effets secondaires des anesthésiants habituels. Quant au krypton,
il entre dans la fabrication de certaines ampoules électriques.
Daniel
Baril