Volume 35 numéro 28
23 avril
2001


 


Plasma contre gaz à effet de serre
Un procédé à base de plasma permet d’éliminer 99 % des gaz perfluorés
produits par les entreprises de microélectronique.

À droite, Michel Moisan en compagnie de Jean-Christophe Rostaing, aux côtés du prototype de surfaguide destiné à l’épuration du krypton-xénon.

Photo: J. Marchand/Air Liquide Canada.

Les appareils électroniques, qui prennent de plus en plus de place dans notre vie quotidienne, paraissent bien écologiques. Mais les industries qui les fabriquent rejettent des déchets gazeux qui ont un impact très élevé sur l’effet de serre.

«Certains gaz perfluorés produits par cette industrie ont un pouvoir de réchauffement atmosphérique de 24 000 fois supérieur à celui du gaz carbonique! Alors que la durée de vie du CO2 est de quelques années, celle des fluorés se compte par milliers ou même par dizaines de milliers d’années, ce qui représente une éternité à l’échelle des civilisations.»

Ces données ne viennent pas d’un militant de Green Peace mais d’un ingénieur de l’industrie des gaz: Jean-Christophe Rostaing, expert en recherche et développement à Air Liquide France, une entreprise qui fournit les gaz en question aux fabricants de composants électroniques.

L’industrie a besoin de ces gaz pour graver, dans différentes couches minces conductrices, semi-conductrices et isolantes, les motifs des circuits intégrés des appareils électroniques et pour nettoyer les chambres à vide où se fait l’application de ces couches minces. En valeur relative, les quantités rejetées sont par contre infimes, soit quelques milliers de tonnes par année par rapport à des milliards de tonnes pour le CO2. Mais leur stabilité et leur pouvoir de réchauffement en font un important facteur d’effet de serre.


Détruits à 99 %

Le protocole de Kyoto, qui vise à ramener en 2008 le niveau d’émission des gaz à effet de serre à 95 % de ce qu’il était en 1995, a de lourdes conséquences pour les entreprises de micro-informatique. «Pour les fabricants, cela veut dire une réduction des émissions de gaz fluorés de 95 à 99 %», affirme M. Rostaing.

Les chercheurs n’ont pas attendu les savantes considérations de George W. Bush avant de se mettre au travail. Depuis déjà six ans, Michel Moisan, professeur au Département de physique et responsable du Groupe de physique des plasmas, travaille en collaboration avec Air Liquide à un procédé à base de plasma permettant de détruire les gaz fluorés.

Le procédé consiste à diluer les gaz dans de l’azote et à soumettre le tout à un plasma produit par une décharge à micro-ondes de surface. Résultat: 99 % des gaz fluorés sont détruits. Sans révéler son secret, Michel Moisan avoue qu’il a failli abandonner à cause du défi technologique que cela représentait. «On nous disait qu’il fallait être fou pour chercher de ce côté», avoue-t-il.

Il a pourtant réussi là où tous les autres ont échoué. Le procédé, fruit des recherches dans lesquelles Air Liquide a investi 1,5 M$ depuis le début de sa collaboration avec l’UdeM, en est à l’étape du prototype industriel. En plus d’être efficace, la méthode est économique et n’occasionnerait que des coûts minimes pour l’industrie. Selon Jean-Christophe Rostaing, ce procédé d’élimination reviendrait à 10 $ la tonne en équivalent carbone (TEC), alors que l’incinération des rejets coûte 120 $ la TEC.


Chef de file en la matière

Le professeur Moisan était déjà reconnu internationalement pour son expertise dans le domaine des sources de plasmas à ondes de surface. Il est en fait à l’origine de cette technologie connue sous le nom de «surfatron» ou «surfaguide» et il est considéré comme un leader mondial dans le domaine.

La méthode mise au point pour relever le défi de la destruction des gaz fluorés avait déjà été éprouvée pour les besoins d’une autre application industrielle, soit l’élimination des impuretés dans la production du krypton et du xénon. Le surfaguide permet de réduire les impuretés dans ces gaz rares à 0,1 ppm.

L’usage qu’on fait du xénon nécessite un très haut taux de pureté. Il est notamment utilisé dans les moteurs à propulsion ionique servant à repositionner les satellites de télécommunication et pour certains cas d’anesthésies où il faut éviter les effets secondaires des anesthésiants habituels. Quant au krypton, il entre dans la fabrication de certaines ampoules électriques.

Daniel Baril