Volume 35 numéro 24
19 mars
2001


 


Le 21e siècle sera protéomique
Et le premier réseau canadien de recherche dans cette discipline sera montréalais.

«La recherche canadienne en protéomique, c’est à Montréal
que ça se passe», affirme Michel Desjardins.

Mieux vaut se faire à ce nouveau terme: la protéomique sera la science du 21e siècle, selon ce que murmuraient des industriels au Sommet économique de Davos en février dernier.

«La protéomique, c’est l’étude des grands ensembles de protéines, de leur localisation dans la cellule, de leurs variantes et de leurs interrelations, explique Michel Desjardins, professeur au Département de pathologie et biologie cellulaire. Ce projet constitue le prochain défi de la recherche en biologie cellulaire. Par analogie avec le hockey, on peut dire que le séquençage du génome nous a donné les noms de tous les joueurs de la Ligue nationale; la protéomique va nous permettre de déterminer leur équipe, leur position et avec quel coéquipier ils jouent. L’observation de blessures permettra de comprendre pourquoi l’équipe est moins performante.»

Beaucoup plus complexe à réaliser que le séquençage du génome, l’identification des protéines et de leurs variantes, qui se comptent par centaines de milliers, permettra de repérer de nouvelles cibles dans le traitement de diverses maladies par la comparaison des états protéiniques sains avec des états pathologiques.

Le professeur ne doute pas de la justesse des propos des industriels à Davos. «Partout dans le monde, le milieu industriel a déjà annoncé des milliards de dollars d’investissement dans la protéomique», affirme-t-il.

Le 28 février dernier, le ministre canadien de l’Industrie, Brian Tobin, a choisi l’Université de Montréal pour annoncer des investissements de 140 M$ de la part de Génome Canada dans la recherche en génomique et protéomique. Ces subventions s’ajoutent aux 160 M$ déjà annoncés l’année dernière. Génome Québec y investit pour sa part une mise initiale de 50 M$.

Quelque 10 M$ de ces fonds serviront à la mise sur pied du Réseau montréalais de protéomique, le premier au Canada, regroupant l’Université de Montréal, l’Université McGill, leurs centres hospitaliers affiliés et l’IRCM. Le Réseau bénéficiera également de 11 M$ provenant de la FCI et de 3 M$ accordés par Valorisation-recherche Québec.


L’UdeM sur la carte

Michel Desjardins avec ses collègues Lucian Ghitescu et Jacques Paiement, tous du même département, seront les trois chercheurs de l’UdeM membres de ce réseau, auxquels se joindra John Bergeron, de l’Université McGill. Ces trois derniers chercheurs ont été formés par deux Prix Nobel de médecine, Georges Palade et Christian de Duve, des pionniers dans la mise au point de méthodes de fractionnement cellulaire.

Le professeur Desjardins a pour sa part déjà assuré la présence de l’Université de Montréal dans la recherche protéomique internationale. Avec cinq membres de son équipe — Roberto Diez, Sophie Duclos, Éthienne Gagnon, Jean-François Dermine et Christiane Rondeau, et l’équipe de Jérome Garin à Grenoble —, il publiait dans le numéro de janvier du prestigieux Journal of Cell Biology des résultats de recherche portant sur l’identification de plus de 140 protéines du phagosome.

«Le phagosome est un compartiment des macrophages où sont détruits les agents infectieux, explique le chercheur. Il y a au moins 500 protéines dans ce compartiment. Nos travaux consistent à identifier chacune de ces protéines par spectrométrie de masse. Le procédé nous permet également de noter les modifications fines que la cellule apporte à ses protéines pour les rendre fonctionnelles.»

Ces travaux ont été cités par l’éditeur de Science (12 janvier) comme une référence en protéomique.

Cette expertise sera mise à contribution au sein du réseau montréalais dont les travaux porteront sur les effets de différents stimuli — tels les facteurs de croissance, des agents infectieux ou diverses substances bioactives — sur les protéines de plusieurs compartiments cellulaires. «On pourra observer par exemple comment la bactérie de la tuberculose modifie les protéines du phagosome et en perturbe le fonctionnement.»

Ce type de recherche permettra de déterminer les systèmes d’interrelations des protéines et de mettre au point des interventions visant plusieurs cibles à la fois. «Ultimement, la protéomique favorisera la compréhension des bases moléculaires du vivant», estime Michel Desjardins.

Daniel Baril