Volume 35 numéro 18
29 janvier 2001




Contact-études: pour contrer le décrochage
Des étudiants prennent des nouvelles de leurs collègues de première année.

«Et comment ça va, les études?» Quelques centaines de nouveaux étudiants se sont fait poser cette question en novembre dernier, alors qu’ils parvenaient à mi-chemin de leur premier trimestre à l’Université de Montréal. Dans le cadre du projet Contact-études, 27 «anciens» avaient été engagés pour mener cette opération visant à diminuer le décrochage scolaire. Leur mission: appeler les nouveaux pour causer, simplement, et leur offrir de l’information ou du soutien, au besoin.

«Dans la plupart des cas, nous avons simplement pris des nouvelles des étudiants, explique Mathieu Chabot, qui termine actuellement un baccalauréat en philosophie. Ils étaient tous assez surpris de voir qu’on s’intéressait à eux. Mais ils n’ont pas hésité à se livrer, à nous parler de leurs craintes et de leurs embûches.»

Le blitz téléphonique auprès des nouveaux étudiants — une première à l’Université mais une pratique courante dans plusieurs établissements anglo-saxons — a été limité à 12 unités d’enseignement reconnues pour leur haut taux de décrochage. Les étudiants de la Faculté de musique et de 11 programmes d’études de la Faculté des arts et des sciences (anthropologie, études françaises, histoire, histoire de l’art, linguistique, philosophie, sociologie, sciences politiques, sciences économiques, mineur arts et sciences et baccalauréat 120) ont été appelés.

Au cours de ces conversations, Mathieu Chabot a orienté plusieurs nouveaux vers différents services universitaires. Mais il n’a pas eu au bout du fil des étudiants en plein désarroi, comme c’est arrivé à d’autres. «On nous a rapporté des témoignages assez émouvants, explique Sylvana Bertocchi, coordonnatrice du projet et aujourd’hui conseillère au Service universitaire de l’emploi. La consigne était alors de diriger les étudiants vers le Service d’orientation et de consultation psychologique [SOCP].»


Des étudiants en détresse

«Les données que nous recueillons sur le cheminement des étudiants dans le dossier cohorte montrent que la première année d’études, et principalement le premier trimestre, est déterminante pour les nouveaux étudiants, explique la vice-rectrice à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue, Claire McNicoll. Nous avons donc voulu établir un lien entre ces jeunes qui entament leur vie universitaire et des étudiants qui sont passés par là et se sont bien adaptés.»

La directrice intérimaire du SOCP, Hélène Trifiro, confirme que les premiers mois d’adaptation à la vie universitaire laissent parfois des marques profondes. «Le premier trimestre est le plus critique, dit-elle. Nous observons des troubles de l’adaptation qui s’expriment de plusieurs façons, de la procrastination [tendance à tout remettre au lendemain] à la dépression majeure avec idées suicidaires. Il faut donc dépister de façon précoce les personnes à risque.»

La psychologue, qui a participé à titre de consultante à la mise sur pied du projet Contact-études, n’a que des bons mots pour cette initiative. «C’est un excellent projet, commente-t-elle. Toute l’équipe ici est enchantée. Nous espérons que le projet sera repris et élargi à l’ensemble des unités.»

Chaque année, la majorité des 1000 nouveaux clients du secteur consultation psychologique du SOCP sont dans leur première année universitaire. Après une entrevue individuelle qui vise à évaluer les besoins de l’étudiant, les cas les plus urgents sont traités sans délai, alors que les autres peuvent être mis sur une liste d’attente. Celle-ci peut atteindre trois ou quatre semaines dans les périodes de pointe.


90% de réussite après un an

«Nos chiffres montrent que ceux qui traversent leur première année d’études universitaires réussissent, dans une proportion de 90%, à obtenir leur diplôme, explique Mme McNicoll. Il me semble que nous avons une responsabilité importante, comme administrateurs, de faire en sorte que les étudiants qui atteignent l’université y restent.»

Géographe de formation, Mme McNicoll se souvient bien des efforts exigés lorsqu’elle a elle-même fait son l’entrée à l’Université. Elle devait rédiger des rapports de stage, des rapports d’excursion, en plus des travaux écrits et des examens. Mais dans son programme d’études, les étudiants étaient très solidaires et elle n’a pas ressenti ce sentiment d’isolement que plusieurs jeunes éprouvent aujourd’hui.

«J’aurais bien aimé qu’on m’appelle à ma première année d’université, signale Chantal Martineau, qui a terminé deux baccalauréats à l’Université d’Ottawa avant de s’inscrire au Certificat en droit à la Faculté de l’éducation permanente. J’étais dans une ville étrangère, je n’avais pas de réseau d’amis, je découvrais un monde tout à fait nouveau. Cet appel aurait certainement contribué à raffermir ma confiance et mon sentiment d’appartenance.»

«Quand on commence un programme universitaire, on se sent toujours un peu seul, reprend Theresa Canito, étudiante en histoire de l’art. Le projet Contact-études est très intéressant. Ça fait du bien de savoir que des étudiants s’intéressent à nous.»

Mmes Martineau et Canito ont été parmi les étudiants engagés pour appeler les nouveaux. Elles ont toutes deux beaucoup apprécié leur expérience.

Compte tenu des résultats obtenus et de son faible coût — quelque 10,000$ —, le projet Contact-études sera reconduit dès le mois de mars prochain pour les étudiants qui ont fait leur entrée à l’Université de Montréal durant le trimestre d’hiver.

Mathieu-Robert Sauvé