Volume 35 numéro 12
20 novembre
2000


 


À Édouard Bolté

Édouard Bolté

Notre université et notre faculté de médecine ont récemment perdu un grand enseignant doublé d’un chercheur clinicien. Édouard Bolté, professeur titulaire de médecine, devenu professeur émérite, est décédé après une longue maladie le 22 mars.

Diplômé en médecine de notre université en 1956, Édouard Bolté effectue d’abord deux années à l’Hôtel-Dieu de Montréal en médecine interne et complète sa formation de chercheur en endocrinologie à l’Université de Columbia, à New York, puis à l’institut Karolinska, à Stockholm.

Détenteur d’un fellowship du Conseil de recherches médicales du Canada, il commence sa carrière au Département de physiologie en 1964 et devient professeur agrégé en 1967. Il poursuit alors ses recherches fondamentales dans le domaine des stéroïdes tout en maintenant une activité clinique à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Ses découvertes sur la genèse des stéroïdes chez le foetus sont le point de départ de nombreuses recherches de par le monde. Ses propres travaux l’ont logiquement conduit à fonder la première clinique de fertilité à l’Hôtel-Dieu de Montréal.

Édouard Bolté appartient à cette génération de médecins et d’enseignants qui ont su combiner à merveille la recherche fondamentale avec la recherche clinique. Il fait partie de cette deuxième vague de cliniciens érudits, formés à la rigueur de la médecine expérimentale qui apportent au cours des années 60 un courant d’air frais, l’air du large, au sein de nos milieux universitaires. Une petite révolution en médecine clinique et un nouvel esprit. Pendant plusieurs années, Édouard Bolté enseignera aux étudiants de première année de médecine les bases physiologiques de l’endocrinologie; il les retrouvera comme externes ou internes au chevet des malades. Ce qui lui donnera l’occasion de démonter les mécanismes physiopathologiques menant à la compréhension de la maladie et de la thérapeutique.

Médecin par la science, il l’est aussi dans l’âme et dans le coeur. Ses confrères peuvent témoigner du souci qu’il avait du bien-être de ses malades et l’on ne peut être qu’admiratif devant l’amour qu’il portait non seulement à sa famille et à ses amis mais aussi à tout être humain. L’ouverture d’esprit est la marque d’Édouard Bolté. Cette qualité fondamentale lui permet de défendre ses idées, participer à toutes les discussions, mener des combats opiniâtres sur le plan des idées sans montrer la moindre agressivité, en ne blessant personne et en gardant le parfait contrôle de ses émotions. Il ne cherchait querelle à quiconque. Il était plutôt porté à analyser et à décortiquer les situations et les problèmes avec une attitude constructive, ce qui justement désarmait ses opposants. Combien de fois, au cours de réunions du Département de physiologie, du Conseil de la Faculté de médecine ou de l’exécutif de l’Hôtel-Dieu de Montréal, alors que la situation semble sans issue pour tout le monde, voit-on Édouard Bolté se lever, au grand soulagement de tous d’ailleurs, et replacer les choses dans un contexte plus serein et plein de nuances. Il fut essentiellement un pacificateur. Il participe pendant plus de 30 ans à de nombreux débats à l’Université aussi bien en sciences fondamentales qu’en sciences cliniques. Il a toujours préservé ce qu’il croyait être important et essentiel à la survie et à l’épanouissement de la collectivité. Plusieurs de ses actions ont été déterminantes au sein du Centre hospitalier universitaire. Les seuls moments d’impatience que nous lui connaissons — il adoptait alors un ton plutôt bourru — surgissent lorsqu’il parle de ceux qui dilapident et détruisent le formidable patrimoine culturel et médical que constitue l’Hôtel-Dieu de Montréal. Patriote convaincu mais tranquille, il n’a pas craint d’intervenir dans les débats politiques et sociétaux, y apportant son témoignage de médecin, de scientifique et de citoyen engagé. Ses confrères du campus de l’Université de Montréal et plus particulièrement ses collègues cliniciens de l’Hôtel-Dieu garderont longtemps un impérissable souvenir plein de tendresse et d’amitié de ce grand professeur d’endocrinologie et du médecin de coeur que fut Édouard Bolté.

Michel Bergeron et Jacques Papillon
Professeurs à la Faculté de médecine