Volume 35 numéro 11
13 novembre
2000


 


Prix du Québec pour Gilles Brassard et Jean Davignon

Gilles Brassard, lauréat du prix Marie-Victorin 2000

La plus haute distinction du gouvernement du Québec dans le domaine des sciences naturelles et du génie, le prix Marie-Victorin, a été attribuée le 7 novembre dernier à Gilles Brassard.

«Ce prix rend hommage à un visionnaire du monde de l’informatique, a déclaré Jean Rochon, ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie au cours de la cérémonie qui se tenait à Québec. Son travail acharné et tenace dans le domaine de la mécanique quantique a contribué grandement au développement de cette discipline, qui se veut la convergence des mathématiques, de la physique et de l’informatique. Le prix Marie-Victorin vient donc reconnaître un chercheur qui est considéré comme l’un des plus brillants informaticiens au monde.»

À l’école primaire, Gilles Brassard maîtrise déjà le calcul intégral et n’a que 13 ans lorsqu’il entre à l’Université de Montréal, où il s’initie à l’informatique. Il entreprend son doctorat en informatique théorique à la prestigieuse Université Cornell. Lorsqu’il est tombé sur la première publication traitant de cryptographie, la science du décodage, il avoue avoir été «fasciné par l’élégance mathématique du concept». Ainsi il oriente son doctorat vers cette nouvelle discipline.

Avec lui, la théorie de l’information basée sur la conception classique du monde physique héritée de Newton subit quelques bouleversements. C’est l’ère de l’ordinateur quantique qui débute… Avec Charles Bennett, un physicien de IBM, il crée la cryptographie quantique. Pendant plus de cinq ans, il dirige ses efforts et ses recherches sur l’interception de messages codés par la cryptographie quantique. Sa contribution à cette discipline a été significative. Ses travaux de recherche pourraient d’ailleurs révolutionner le commerce électronique en rendant les transactions totalement sécuritaires.

Même si l’ordinateur quantique n’est pas pour demain, les travaux du chercheur commencent déjà à trouver des applications. En Suisse, un prototype de cryptographie quantique relie Nyon à Genève par l’entremise d’une fibre optique de 23 km et assure la confidentialité des messages entre les interlocuteurs.

Au début des années 90, Gilles Brassard se tourne vers des applications encore plus futuristes de l’information quantique. Avec cinq autres chercheurs, dont Charles Bennett, il invente le concept de la téléportation quantique. Ainsi des particules de lumière, appelées photons, ont pu être «téléportées» sur une distance de quelques mètres. Une réalisation expérimentale sélectionnée par le journal Science comme l’une des 10 plus importantes de l’année 1998.

L’excellence et l’originalité des travaux de Gilles Brassard lui ont valu de nombreuses distinctions. Il a notamment reçu la bourse EWR Steacie et le prix Steacie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (1994), le prix Urgel-Archambault de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences en 1992 et la bourse de recherche Killam du Conseil des arts en 1997. Il a, par ailleurs, été élu à l’Académie des sciences de la Société royale du Canada en 1996 et est, depuis 1998, l’un des 100 membres étrangers de l’Académie des sciences de Lettonie.

Le dévouement de Gilles Brassard en matière d’enseignement n’est plus à démontrer. En 1993, l’Université lui a décerné le Prix d’excellence de l’enseignement. L’informaticien montréalais espère qu’un jour la mécanique quantique sera enseignée à l’école: «En n’initiant pas les jeunes aux théories quantiques, on ralentit considérablement le progrès de la science», soutient-il.

Le frère Marie-Victorin fut un éminent botaniste à qui l’on doit le développement des sciences naturelles au Québec. Le prix qui porte son nom récompense le travail exceptionnel de chercheurs travaillant dans les sciences exactes et naturelles, les sciences de l’ingénierie et technologiques ainsi que les sciences agricoles.

Jean Davignon, lauréat du prix Wilder-Penfield 2000

La plus haute distinction attribuée par le gouvernement du Québec dans le domaine des sciences biomédicales, le prix Wilder-Penfield, a été décernée à Jean Davignon.

«Ce prix récompense un chercheur clinicien de grande renommée qui s’est illustré à l’échelle mondiale avec ses travaux de recherche clinique portant sur la compréhension des processus complexes qui régissent les maladies reliées aux lipides et au système vasculaire, comme l’hypercholestérolémie familiale, a déclaré le ministre Rochon. Le prix Wilder-Penfield vient donc honorer Jean Davignon, considéré comme l’un des pionniers dans le domaine de la recherche en lipidologie et un ambassadeur de la recherche clinique.»

Jean Davignon a créé de toutes pièces l’une des plus importantes cliniques d’hyperlipidémies reconnues sur la scène internationale. Sa clinique reçoit actuellement plus de 8000 patients par an. «Mettre la recherche fondamentale au service de la santé et s’appuyer sur des patients pour faire avancer les découvertes est à la fois passionnant et très difficile», soutient-il. Jean Davignon, dont l’enthousiasme est communicatif, entretient des liens privilégiés avec ses patients et ses collègues chercheurs.

Né à Montréal en 1935, Jean Davignon effectue ses études de médecine à l’Université de Montréal; il les termine avec la mention summa cum laude à l’âge de 22 ans. Dans le cadre de ses recherches, il collabore avec le Dr Jacques Genest, qui deviendra le fondateur de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Il étudie le rôle des hormones surrénaliennes dans l’hypertension et s’initie à la médecine vasculaire. Il est l’un des premiers Canadiens français travaillant dans un hôpital francophone à obtenir une maîtrise en médecine expérimentale de l’Université McGill.

Au début des années 60, il passe trois ans à la célèbre clinique Mayo de Rochester, berceau de la médecine vasculaire en Amérique, pour parfaire ses connaissances en physiologie vasculaire. Puis, après trois années passées à l’Université Rockefeller, à New York, dans le laboratoire d’un des maîtres à penser de la recherche clinique en lipidologie, le Dr E.H. Ahrens fils, il revient à Montréal à l’invitation du Dr Genest. De 1967 à 1972, l’obtention de la prestigieuse bourse Markle lui permet de mettre sur pied un laboratoire de recherche sur les dyslipidémies et l’athérosclérose. Son équipe d’une quarantaine de chercheurs acquiert rapidement une réputation d’excellence en lipidologie qui ne s’est jamais démentie depuis.

Ses travaux sur les hyperlipidémies héréditaires, fréquentes au Québec, l’ont conduit à découvrir, entre autres, cinq mutations d’un gène engendrant une hausse anormale du taux de «mauvais» cholestérol dans le sang, expliquant environ 80% des cas d’hypercholestérolémie familiale chez les Canadiens français.

Curieux et avide d’établir des ponts entre les différentes disciplines, il s’est illustré dans des domaines aussi variés que la nutrition, la génétique et la pharmacologie clinique. Il est, par ailleurs, l’auteur de 285 publications scientifiques, 57 chapitres de livres et 3 ouvrages.

Jean Davignon est devenu un modèle pour la relève. Son laboratoire et sa clinique ont attiré de nombreux chercheurs qui y sont venus parfaire leurs connaissances. Il a présidé, en 1994, le symposium international sur l’athérosclérose, à Montréal, qui a obtenu un succès retentissant. Il prononce aujourd’hui près de 30 conférences par an partout dans le monde.

Ses contributions scientifiques lui ont valu de nombreux prix et distinctions. Il recevait, en 1992, un doctorat honoris causa de l’Université Paul-Sabatier de Toulouse; en 1993 la médaille FNG Starr de l’Association médicale canadienne; et, en 1994, la Grande Médaille d’or du centenaire de l’institut Pasteur de Lille. Nommé officier de l’Ordre du Canada en 1995, l’Association des médecins de langue française du Canada lui décerne le Prix de carrière scientifique en 1996.

Wilder Penfield fut l’un des plus éminents chirurgiens et neurologues du 20e siècle (1891-1976). Il est le fondateur de l’Institut de neurologie de Montréal. Le prix qui porte son nom honore un chercheur de mérite travaillant dans le domaine biomédical.

Daniel Baril