Volume 35 numéro 7
16 octobre 200
0


 


Réseau routier: les municipalités ne perçoivent pas leur juste part
Et les camionneurs bénéficient de subventions cachées

Pour la région métropolitaine de Montréal, le budget du réseau routier pourrait être équilibré, soutient Marc Gaudry.

Qui paie quoi pour l’entretien et le développement des réseaux routiers au Québec et qui récolte les revenus? C’est ce qu’a cherché à tirer au clair Marc Gaudry, professeur au Département de sciences économiques et chercheur au Centre de recherche sur les transports, dans une analyse qu’il présentait le 5 octobre dernier aux 13es Entretiens Jacques-Cartier.

Selon les données tirées du rapport de la Commission royale d’enquête sur les transports en 1993, le chercheur a démontré que le budget d’une hypothétique agence qui récolterait tous les revenus et paierait toutes les dépenses liées au réseau routier de la grande région de Montréal serait un budget équilibré: les résidants du Montréal métropolitain paient en effet en taxes et en droits de toutes sortes l’équivalent de ce que coûtent l’entretien et le développement de leur réseau routier, soit environ 1,150 milliard de dollars par année.

Les revenus de l’agence fictive incluent entre autres les taxes provinciales et fédérales sur les carburants, les droits d’immatriculation et les amendes, alors que les dépenses comprennent non seulement les coûts de construction et d’entretien des infrastructures mais également ceux de la surveillance.


Surplus fédéral et déficit municipal

Mais dans la réalité, ces revenus et dépenses ne sont pas mis dans la même cagnotte: lorsqu’on les répartit selon les trois niveaux de gouvernement, le palier fédéral se retrouve avec un surplus de 140M$ (pour les seuls revenus et dépenses provenant de la région de Montréal) et le palier provincial avec un surplus de 448M$, alors que les municipalités de la région métropolitaine supportent un déficit de 370M$. Porté à l’échelle du Canada, le surplus fédéral atteint de quatre à cinq milliards de dollars.

«Ce surplus s’explique par le fait que le gouvernement fédéral perçoit des taxes sur l’essence sur tout le territoire, alors qu’il n’entretient que quelques ponts et quelques bouts de routes à la frontière, ce qui représente des dépenses de moins de un milliard, précise Marc Gaudry. Le réseau urbain de la région de Montréal représente par contre 30,000 km de routes à entretenir. Si tous les surplus fédéraux et provinciaux étaient redirigés vers les municipalités, leur budget pour l’entretien routier serait équilibré et présenterait même un léger surplus.»

Cependant, cela créerait un trou de 4 milliards de dollars dans le budget fédéral et de près de 500 millions dans le budget provincial.

Une autre étude réalisée par Marc Gaudry pour le compte du ministère des Transports du Québec montre par ailleurs que, si l’on ajoute aux dépenses les frais de nuisance occasionnés par la pollution automobile et les accidents, le budget du réseau routier pour l’ensemble du Québec, à la lumière des chiffres de 1994, ne s’autofinance plus qu’à 70% et devient donc déficitaire à 30%. Les résultats sont les mêmes pour la région de Montréal. En 1979, le taux d’autofinancement n’était que de 53%.


Le camionnage

Marc Gaudry a également rappelé d’autres conclusions de la Commission royale d’enquête sur les transports qui montrent que les camionneurs ne paient pas leur juste part pour l’utilisation des réseaux routiers.

«Prenons le cas d’un camion de huit essieux, pesant 70 t avec sa charge et parcourant 150,000 km par année; ce camion rapporte en taxes 40,000$ de moins que ce qu’il coûte en entretien routier, souligne le chercheur. Il bénéficie donc d’une subvention cachée de 40,000$ par année. Pour l’ensemble du Québec, cela représente une subvention cachée de 800M$ par année.»

Selon Marc Gaudry, ces données demandent à être raffinées à l’aide d’une méthode comptable fine qui devrait prendre en considération de nombreuses variables comme le kilométrage par charge, le nombre d’essieux, les sections de routes parcourues, la vitesse, etc. Il se montre donc étonné du peu de volonté des gouvernements de recueillir une pareille information afin de connaître dans le détail d’où proviennent les coûts réels du réseau routier.

Daniel Baril