Volume 35 numéro 3
11 septembre
2000


 


Le diabète: une véritable épidémie
«C’est la maladie du 21e siècle», selon le Dr Jean-Louis Chiasson.

La meilleure façon de se protéger contre le diabète adulte est de manger sainement, de maintenir un poids idéal et de faire de l’exercice, selon l’endocrinologue Jean-Louis Chiasson.

L’incidence du diabète s’accroît avec le vieillissement de la population, la sédentarité et la mauvaise alimentation. à ce jour, environ 7% de Canadiens souffrent de diabète. Un taux élevé mais comparable à celui d’autres pays industrialisés: 3% en France, 5% au Japon, 7% aux États-Unis et 10% à la Barbade.

Ce que les chiffres ne disent pas, c’est que le diabète coûte horriblement cher à la société. Jusqu’à 161 M$ en médicaments, selon une étude effectuée en 1993 par Santé Canada. Une note qui n’inclut pas les frais médicaux et hospitaliers. On estime que le fardeau économique frôle les deux milliards par année au Québec et le traitement du diabète accapare environ 20% des lits d’hôpitaux de soins actifs.

«C’est un problème de société contre lequel il faut lutter à tout prix, affirme Jean-Louis Chiasson, endocrinologue à l’hôpital Hôtel-Dieu et professeur à la Faculté de médecine. Le diabète peut toucher n’importe qui, mais le risque augmente avec l’âge, l’obésité et l’hérédité. Toute personne à risque devrait subir annuellement une prise de sang afin de dépister la maladie.»

Le Dr Chiasson n’est pas le seul à s’inquiéter. La situation devient si menaçante que l’Organisation mondiale de la santé a décrété que le diabète était un problème planétaire. D’ici 25 ans, le nombre de diabétiques s’élèvera à 300 millions dans le monde. Selon l’endocrinologue, il est tout aussi alarmant que des 500,000 Québécois diabétiques seulement la moitié se sachent atteints. S’il n’est pas soigné, le diabète peut entraîner des complications chroniques: accidents cérébrovasculaires, crises cardiaques, insuffisance rénale, cécité, impuissance, complications durant la grossesse et gangrène aux jambes.


L’ennemi numéro un: l’obésité

À la base, le diabète est une affection chronique due à une incapacité de produire ou d’utiliser adéquatement l’insuline. Cette hormone produite par le pancréas est indispensable au métabolisme pour assimiler le glucose, explique le Dr Chiasson. Résultat? Chez le diabétique, la quantité de sucre dans le sang s’élève à un niveau anormal: sept millimoles et plus par litre. Un taux qui correspond presque au double de la quantité de glucose circulant dans le sang d’une personne non diabétique. Une cuillère à café de sucre par litre de sang équivaut au taux normal.

Rappelons qu’il existe deux principales formes de diabète: le type 1, appelé «diabète juvénile», représente 10% des cas diagnostiqués (voir l’encadré) et le type 2 touche 90% des diabétiques. «Le diabète adulte est caractérisé par une résistance de l’organisme à l’insuline et un défaut de sécrétion de l’insuline, déclare le professeur Chiasson. Cette forme de diabète survient généralement après 45 ans, mais la communauté scientifique note de plus en plus de diabète de type 2 chez les adolescents et les jeunes dans la vingtaine.»

Le phénomène semble lié à la sédentarité et à la mauvaise alimentation, indique l’endocrinologue. Il affirme, chiffres à l’appui, que les individus obèses courent deux fois plus de risques d’avoir le diabète que ceux ayant un poids santé. En fait, plus de 80% des diabétiques de type 2 souffrent d’obésité. La meilleure façon de se protéger contre le diabète adulte est de manger sainement, de maintenir son poids idéal et de faire de l’exercice, fait-il valoir.

Mais pour certains, cela ne suffit pas. C’est qu’il existe d’autres facteurs de risque comme donner naissance à un gros bébé (plus de quatre kilos), l’hypertension et l’hérédité. Cette dernière, dit-on, joue un rôle important dans le développement de la maladie. S’il y a des antécédents familiaux de diabète, l’incidence varie de 25% à 80% selon qu’un ou les deux parents sont diabétiques.

Par ailleurs, le diabète est largement répandu chez les hispaniques, les Africains et les peuples des Premières Nations. Les autochtones présentent un taux trois fois plus élevé que celui de la moyenne nationale, selon Santé Canada. La cause: une prédisposition génétique alliée à un mode de vie de plus en plus sédentaire et à une alimentation riche en gras, en sucre et en sel.


L’espoir est dans la recherche

«Pour l’instant, il n’existe aucun traitement pour guérir ou diminuer la progression de la maladie, souligne Jean-Louis Chiasson. le diabète peut toutefois se contrôler par la médication, un régime équilibré et de l’exercice.» Santé Canada vient d’approuver deux nouveaux médicaments: Avandia et Actos. Ces traitements chimiques stimulent la transcription de gènes et la synthèse de protéines qui augmentent la sensibilité de l’organisme à l’insuline.

«Mais s’ils agissent efficacement contre la résistance à l’insuline, il n’est pas démontré que ces médicaments peuvent empêcher le développement du diabète, rappelle le médecin. Seules la recherche et la prévention pourront en venir à bout.»

Dominique Nancy



Le «diabète juvénile»

Le Dr Louis Geoffroy est pédiatre à l’hôpital Sainte-Justine et chargé d’enseignement à la Faculté de médecine.

Le petit Alexandre a une soif inextinguible et montre des signes de fatigue extrême. Sa mère remarque aussi un changement de caractère chez son fils qui, même s’il a toujours faim, perd du poids.

«Ce sont des symptômes de diabète, prévient le Dr Louis Geoffroy, pédiatre à l’hôpital Sainte-Justine et chargé d’enseignement à la Faculté de médecine. Généralement, la maladie est accompagnée d’une augmentation du volume et de la fréquence des urines et parfois d’infections aux organes génitaux.»

Le «diabète juvénile» est très difficile à contrôler et exige une surveillance sévère, signale le pédiatre. Les individus affligés du diabète de type 1, qui se rencontre surtout chez les enfants et les jeunes adultes, doivent surveiller leur alimentation et se faire des piqûres d’insuline. C’est que leur organisme souffre d’une carence, souvent absolue, en insuline.

«à la suite de l’absorption de nourriture, le pancréas réagit normalement en sécrétant de l’insuline dans le sang, explique le Dr Geoffroy. Le glucose est ainsi absorbé par les différentes cellules du corps et utilisé comme énergie ou converti en graisses. Chez le diabétique, le glucose n’est pas métabolisé adéquatement parce que sa production d’insuline est insuffisante ou inexistante.»

Ceci entraîne une série de dysfonctionnements reliés au taux de sucre dans le sang ou, parfois, à des hypoglycémies causées par un mauvais équilibre entre les injections, le régime alimentaire et l’exercice. Les conséquences sont alors graves. Un diabétique peut tomber dans un coma hypoglycémique par excès d’insuline ou dans un coma diabétique si la part d’insuline est insuffisante.

«Lorsque le taux de sucre dans le sang est trop bas, un morceau de chocolat ou un verre de jus d’orange apporte un soulagement immédiat si le malaise est pris à temps. Le coma hypoglycémique survient brusquement, mais se soigne facilement, commente le Dr Geoffroy. Le coma diabétique prend généralement quelques jours à survenir. C’est un cas d’urgence qui nécessite des soins spécialisés.»

D.N.