Volume 35 numéro 2
5 septembre
2000


 


Une «lunette cognitive» pour observer la réalité abstraite
Le Laboratoire de robotique pédagogique met son expertise au service de l’enseignement des sciences.

Pierre Nonnon fait la démonstration d’un didacticiel ExAO permettant d’observer directement à l’écran la quantité d’oxygène produite par des algues microscopiques sous l’effet de la lumière.

Il est possible d’enseigner les notions abstraites des sciences et des mathématiques de façon concrète et en lien avec notre environnement quotidien. C’est ce à quoi s’applique depuis plus de 15 ans le Laboratoire de robotique pédagogique du Département de didactique de la Faculté des sciences de l’éducation.

De réputation internationale, le laboratoire dirigé par le professeur Pierre Nonnon a déjà à son actif une série impressionnante d’outils didactiques conçus selon l’approche ExAO, c’est-à-dire l’expérimentation assistée par ordinateur. «La mission de notre laboratoire est de produire, à partir des besoins du milieu, des environnements informatiques d’apprentissage destinés à l’enseignement des sciences au secondaire et au collégial», précise Pierre Nonnon.


L’observation avant la théorie

L’une des difficultés auxquelles se heurte cet enseignement est de rendre concrète l’abstraction mathématique entre diverses variables, par exemple entre la vitesse d’un objet et la distance parcourue. Dans les produits ExAO, les instruments de laboratoire traditionnels, comme les thermomètres, les oscilloscopes ou les polygraphes, sont remplacés par des instruments modélisés qui peuvent être manipulés à l’écran. Chaque produit affiche à la fois l’instrument utilisé, ou l’appareil faisant l’objet de l’étude, ainsi qu’un graphique montrant la relation entre les paramètres mesurés.

Ce procédé, qui permet de visualiser le mouvement réel et son abstraction, Pierre Nonnon l’a appelé «lunette cognitive», un terme maintenant reconnu dans le milieu des producteurs de didacticiels.

«L’élève accède ainsi à l’abstraction mathématique et graphique au contact direct de la réalité, reprend le chercheur. Cette façon d’apprendre l’abstraction à partir du concret permet à l’élève de donner un sens aux représentations graphiques qu’il a pu étudier en mathématiques.»

Pour Pierre Nonnon, la désertion des cours de sciences au secondaire est surtout attribuable au fait que l’enseignement des notions de base ne se fait pas à partir de l’environnement et de la réalité observés par le jeune. «Pour favoriser la curiosité et l’expérimentation, il faut inverser la séquence traditionnelle d’enseignement, qui place systématiquement les cours théoriques avant les laboratoires, croit-il. Le laboratoire ne doit pas servir seulement à illustrer la théorie exposée en classe, mais doit permettre l’investigation de la réalité avant de la formaliser sous forme de loi.»

Constituant de véritables microlabs faisant de chaque ordinateur un laboratoire polyvalent, les produits ExAO peuvent faciliter cette organisation de la matière. Le directeur du Laboratoire estime également que de tels produits pourraient contribuer à rattraper le retard du Québec en matière d’utilisation de l’ordinateur comme outil d’apprentissage.


Des orthèses et non des prothèses

Les produits ExAO ne dispensent pas pour autant l’élève de réfléchir. Bien au contraire: «Ces systèmes sont davantage des orthèses que des prothèses, précise Pierre Nonnon. Ils ne facilitent pas la réflexion, ils l’obligent.»

Daniel Cervera a reçu le prix de l’ADEREQ pour la meilleure thèse de doctorat en éducation au Québec.

Un étudiant au doctorat, Daniel Cervera, professeur de génie mécanique au cégep de Valleyfield, a apporté sa contribution à cette mission en produisant, pour l’enseignement professionnel et technique, un logiciel de simulation de systèmes hydrauliques. Grâce à l’ordinateur, l’étudiant peut modifier, selon son besoin d’expérimentation, les paramètres et composantes d’appareillages complexes et observer les effets cachés sur le comportement du système.

Reliés aux réseaux d’information tel Internet, certains autres produits permettraient aux écoles d’être en relation directe et d’analyser, à Montréal ou ailleurs, des données prélevées aux quatre coins du Québec. Par exemple, une station météo — conçue par Frédéric Fournier, étudiant au Laboratoire, et Isidore Lausier, professeur au cégep Maisonneuve —, pouvant enregistrer la température, la vitesse du vent, les précipitations et la présence de nuages pourrait permettre de dresser la carte météo du Québec en temps réel en reliant chaque collège qui serait doté d’un tel produit. Pierre Nonnon mise sur le projet de technopole de l’UdeM pour pouvoir expérimenter un réseau de ce genre.

La qualité des travaux effectués au Laboratoire de robotique pédagogique vient de nouveau d’être récompensée alors que l’Association des doyens et directeurs pour l’enseignement et la recherche en éducation du Québec (ADEREQ) remettait en mai dernier le prix de la meilleure thèse de doctorat à Daniel Cervera. Ce prix, décerné pour la troisième fois seulement, avait déjà été remporté une première fois, en 1998, par une étudiante du Laboratoire, Françoise Crevier, pour sa conception d’un tuteur d’apprentissage.

Daniel Baril