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Qui a des enfants de nos jours?

Évelyne Lapierre-Adamcyk étudie les contraintes et les déterminants de la procréation.

Évelyne Lapierre-Adamcyk étudie la nature des liens et les impacts des dimensions parentale, conjugale, économique et professionnelle sur la vie des gens. Selon la chercheuse, divers aspects de la vie familiale peuvent être associés à la baisse de la natalité, notamment la précarité des conditions de travail et du mariage. Mais ce ne sont pas les seules contraintes.

Selon les dernières statistiques, 9 Canadiens sur 10 affirment vouloir des enfants. Dans les faits, l'indice de fécondité au Québec est bas: 1,4 enfant par femme. Un seuil trop faible pour maintenir la croissance démographique. Quand on pense que nos grands-parents faisaient souvent 8 ou 10 enfants, comment expliquer la faible natalité qui prévaut depuis les années 1970?

"Certains disent que c'est une question d'argent. D'autres croient que l'autonomie des femmes dans la société influe sur la décision de faire peu d'enfants. Mais il ne faut pas isoler les éléments, sinon nous ne comprendrons pas le phénomène dans sa globalité", signale Évelyne Lapierre-Adamcyk, professeure au Département de démographie et membre du Centre interuniversitaire d'études démographiques. Depuis 20 ans, elle s'intéresse au devenir des familles et à l'évolution de la fécondité.

"Cette question préoccupe le gouvernement du Québec, qui réfléchit beaucoup à la façon d'appuyer les familles, soutient Mme Lapierre-Adamcyk, mais l'élaboration d'une politique familiale et la mise sur pied de programmes pertinents requièrent des connaissances multidisciplinaires sur les réalités actuelles des familles."

Des enfants? Oui, mais...
En collaboration avec trois autres chercheurs de l'Université et du milieu gouvernemental (Heather Juby, Madeleine Rochon et Laurent Roy), Mme Lapierre-Adamcyk tente justement de mieux comprendre les déterminants et les contraintes socioéconomiques liés à la procréation. À son avis, divers aspects de la vie familiale peuvent être associés à la baisse de la natalité, notamment la précarité des conditions de travail et du mariage. Mais la conception contemporaine du bonheur sur laquelle se fondent les individus semble également avoir des effets sur la natalité.

"De nos jours, nous valorisons davantage les réalisations professionnelles. Or, avoir des enfants retarde à coup sûr la carrière. Les gens ne sont pas égoïstes, mais cette recherche du bonheur entre en conflit avec la vie familiale", explique la chercheuse.

D'après les résultats de l'Enquête sociale générale de 1995, les gens veulent pourtant en moyenne deux enfants. Si cet objectif de fécondité était atteint, dit Mme Lapierre-Adamcyk, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter du remplacement des générations. Mais les couples ne réalisent pas leurs aspirations de fécondités. "L'entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et l'incertitude des emplois contribuent à la dénatalité ou du moins retardent la venue du premier enfant, fait valoir la démographe. Ce ne sont pas tant les difficultés économiques que la recherche du moment idéal qui empêche souvent la famille d'avoir un second enfant."

La nouvelle situation des femmes dans la société ainsi que la désinstitutionnalisation de la vie de couple ont des retombées similaires. Pour préserver leur autonomie et leur stabilité économique, les femmes reportent la décision à plus tard. Résultat? Le couple s'expose au risque de ne pas réussir à obtenir le nombre d'enfants désirés. Mme Lapierre-Adamcyk rappelle que 55% des enfants naissent néanmoins dans le cadre d'une union libre. "Même les couples mariés et ceux qui occupent des emplois stables sont touchés par les préoccupations reliées au fait d'avoir un enfant", déclare-t-elle.

La démographe mène ses travaux dans le cadre d'un projet nommé "Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles" et financé par le Conseil québécois de la recherche sociale. Ce projet regroupe des intervenants du milieu gouvernemental québécois, des organismes publics et familiaux ainsi que des chercheurs universitaires provenant de l'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal, l'INRS-Urbanisation et l'INRS-Culture et société.

Dominique Nancy 


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