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Une criminologue à Médecins sans frontières

Laurence Frank revient du Liberia, où sévit une guerre oubliée.

Laurence Frank aimerait faire une maîtrise en criminologie sur un sujet relié à la guerre.

De retour d'un séjour de 10 mois au Liberia, Laurence Frank garde parmi ses souvenirs le visage des enfants qu'elle a rencontrés dans des centres de nutrition thérapeutique. "Le but de ces centres est d'alimenter et d'hydrater les enfants souffrant de malnutrition. Chaque fois que je visitais ces centres, je ressortais en pleurant. Ce qui me bouleversait le plus, c'était de voir sourire et jouer, malgré tout, les petits patients qui risquent de mourir."

Étudiante au premier cycle en criminologie, Mme Frank a suspendu ses études pour se joindre au personnel d'une mission de Médecins sans frontières (MSF) basée dans la capitale, Monrovia, et active dans tout le pays. Chargée de la coordination des activités, Mme Frank avait notamment sous sa responsabilité plus de 800 employés libériens, une trentaine de coopérants et la gestion d'un camp de réfugiés de 20 000 personnes.

C'est en hommage à des gens comme elle que le prix Nobel de la paix a été décerné cette année à l'organisation humanitaire fondée en France en 1968 par Bernard Kouchner et James Orbinsky. Ses membres ne sont pas insensibles à cet honneur. "Nous sommes très fiers, dit la jeune femme originaire d'Alsace et qui vit au Québec depuis 1990. Ça a été une énorme surprise. Nous avions été pressentis quelques fois pour ce prix, mais nous avions fini par ne plus y penser."

Le montant de 1 million de dollars qui accompagne le parchemin n'aura pas un impact majeur sur le budget annuel de 260 millions de l'organisme, qui mène actuellement 400 projets dans 85 pays. C'est la réputation des permanents et des bénévoles qui y gagne. À la différence de bien d'autres organisations non gouvernementales engagées dans des pays en guerre - dont la Croix-Rouge -, Médecins sans frontières a pour politique de dénoncer les horreurs dont ses membres sont témoins. "Nous prenons le parti des populations. Nous avons le devoir de rapporter les violations des droits de la personne qui surviennent au cours de nos interventions, dit Laurence Frank. Cela met de la pression sur les gouvernements responsables de ces violations."

Cela dit, l'époque est révolue où les volontaires entraient clandestinement dans les pays en guerre, au péril de leur vie, afin de soigner les populations civiles. "Lorsque nous intervenons, nous sommes ou invités par le gouvernement ou acceptés, ou encore tolérés."

Et au Liberia, comment qualifier les rapports de l'organisme avec les autorités? "Le gouvernement nous tolère."

Pays pauvre
Chargée de coordonner les activités des membres de MSF et des Libériens qui sont engagés dans les différents projets, la jeune administratrice a fait plusieurs fois le tour du pays de deux millions d'habitants afin de visiter les installations. "C'est un pays très pauvre, qui compte 90% de chômeurs et 90% d'analphabètes. C'est dans les territoires frontaliers, principalement entre la Guinée et la Sierra Leone, que les tensions sont les plus vives. Mais pendant mon séjour, les choses sont restées relativement calmes."

Au moment de son arrivée au Liberia, peu après l'attaque de l'ambassade américaine par des rebelles en septembre 1998, la situation était pourtant explosive. Mais les choses se sont calmées. Pourtant, quelques mois plus tard, la coordonnatrice a eu la frousse quand deux volontaires, un logisticien de Norvège et une infirmière italienne, ont été kidnappés par des terroristes qui ont pillé la maison de MSF qui les accueillait. Heureusement, les otages ont été libérés sans blessures après cinq jours.

Présente dans le pays depuis 1989, l'organisation humanitaire a vu les besoins se transformer avec le temps. Un aspect majeur du programme d'intervention consiste à former du personnel médical qualifié et à rendre les hôpitaux plus fonctionnels. "C'est important de donner des outils aux Libériens pour qu'ils puissent se rendre service eux-mêmes", dit Mme Frank.

Médecins sans frontières s'occupe aussi de programmes de vaccination et de prévention des maladies infectieuses telles que le choléra dans les camps de réfugiés.

Une maîtrise sur le terrain?
Tout en menant des études universitaires, Laurence Frank travaille depuis trois ans à MSF après avoir eu la piqûre pour l'aide humanitaire durant un stage à Jeunesse Canada Monde. Elle est aujourd'hui coordonnatrice régionale (région du Québec) de l'organisation, qui compte 1000 employés et 3000 coopérants.

"Il n'y a pas que des médecins dans l'organisme, dit-elle. La moitié de l'effectif est non médical. Il s'agit d'informaticiens, d'administrateurs et autres, capables d'assurer la logistique. Et nous sommes toujours à la recherche de personnes désireuses de collaborer."

Le Canada compte environ 300 membres actifs, dont une centaine partent en mission annuellement. Plus de la moitié des volontaires viennent du Québec.

Pour Laurence Frank, le retour au pays se passe bien, même après avoir connu une région où il fait 38° le jour. Mais déjà l'idée de repartir se fait sentir. "Après mon baccalauréat, j'aimerais entamer une maîtrise en criminologie sur un sujet relié à la guerre: les enfants soldats, par exemple, ou encore la question des viols des femmes issues de populations vaincues. Je pourrais profiter de ma présence sur les lieux pour mener des entrevues. De plus, Médecins sans frontières offre des bourses afin d'encourager les recherches universitaires."

Mathieu-Robert Sauvé


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