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Les enfants de la loi 101 parlent français dans la cour d'école

Cette étude confirme la tendance à la francisation.

Marie McAndrew est actuellement en Europe, où elle mène des recherches sur l'intégration des immigrants dans les pays qui disposent de politiques linguistiques opposant deux langues.

Dans les écoles primaires montréalaises, de 67% à 100% des conversations en dehors des classes entre enfants d'origine non francophone se déroulent en français. Dans la cour de récréation et les corridors des écoles secondaires, l'utilisation du français est également majoritaire et surpasse l'anglais et les autres langues réunis.

C'est ce qu'une équipe de chercheurs discrets ont rapporté de quelque 38 500 observations effectuées entre 1996 et 1998 dans 20 écoles primaires et secondaires de Montréal. La tâche des observateurs consistait à saisir les conversations entre jeunes pour noter en quelle langue elles se déroulaient. Ils ont mené leur étude dans des écoles qui, pour la plupart, avaient été sélectionnées pour leur forte proportion d'élèves non francophones. Dans certaines écoles secondaires par exemple, la densité de la clientèle non francophone atteignait 8 élèves sur 10.

"Nous savions déjà que le français ne se portait pas trop mal dans les classes, explique Marie McAndrew, professeure à la Faculté des sciences de l'éducation et directrice du centre Immigration et métropoles, mais on soupçonnait qu'il ne s'imposait pas dans les lieux alentours. Cette étude démontre le contraire."

Avec son collègue Calvin Veltman, de l'UQAM, et les agents de recherche Francine Lemire et Josefina Rossell, de l'Université de Montréal, Mme McAndrew a donc pu tracer un portrait linguistique inattendu des enfants de la loi 101. "Nous devons conclure que les enseignants, les directions d'école et les responsables des mesures linguistiques en milieu scolaire ont fait un bon travail", résume Mme McAndrew, alors qu'elle entame son année sabbatique.

Origine ethnolinguistique et francisation
Au cours d'une série d'entrevues individuelles réalisées avec les élèves, les chercheurs ont aussi observé que tous n'utilisent pas le français avec autant d'empressement. L'origine ethnolinguistique des élèves jouerait un rôle dans le processus de francisation. "Peu d'élèves immigrants connaissaient le français avant d'arriver au Québec, peut-on lire dans l'étude. Toutefois, pour ceux qui étaient familiarisés avec cette langue, entre autres la plupart des élèves d'origine haïtienne et certains élèves arabophones, ce facteur influe favorablement sur l'usage du français à l'école."

L'inverse est vrai. Les élèves originaires de la Jamaïque, des Antilles anglaises, des Philippines, des États-Unis, du sous-continent indien ou de certains pays arabes comme le Koweït et l'Arabie Saoudite parlent plus naturellement anglais entre eux lorsque les cours sont terminés. Autre caractéristique des anglophiles: bon nombre d'entre eux sont des anglophones de Montréal qui auraient le droit de fréquenter l'école anglaise mais que les parents inscrivent malgré tout à l'école française.

"Cet aspect de la recherche permet de contredire ce que bien des gens croient: que la densité des non-francophones est un facteur limitant la francisation. En réalité, même si la densité est très élevée, l'origine ethnolinguistique est un facteur plus déterminant."

Les auteurs de l'étude affirment que la tendance à la francisation se confirme et qu'il faut encourager les acteurs de terrain à "continuer et même intensifier leurs efforts dans la même direction, tout en permettant, dans certains cas, de les cibler davantage". Ils précisent cependant que les mesures coercitives (interdiction de parler d'autres langues que le français pendant la récréation par exemple) sont inefficaces et ne doivent pas être favorisées.

Le français, langue publique
Pour Mme McAndrew, il ne fait donc pas de doute que le français est la langue publique de Montréal. Cela ne contredit-il pas la thèse des universitaires Marc Termote et Charles Castonguay, qui prédisent que les francophones ne formeront que 48% des Montréalais dans 20 ans? D'une part, précise-t-elle, il est un peu réducteur de parler de l'île de Montréal quand on sait que d'innombrables francophones traversent les ponts tous les jours. Mais il y a pire.

"Les militants jouent parfois avec les statistiques, dénonce la directrice du centre Immigration et métropoles. Ici, ils mettent dans un même groupe les anglophones et les allophones. À ce compte-là, l'anglais est menacé à Toronto puisque 60% des Torontois sont des immigrants allophones."

La présente recherche, explique-t-elle, démontre bien qu'il est erroné de parler des allophones comme des anglophones en puissance. Il faut d'ailleurs savoir que les immigrants ne changent de langue qu'après deux générations.

L'étude a été financée par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, par le ministère de l'Éducation et par le Conseil de la langue française.

Mathieu-Robert Sauvé


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