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Les hommes sont des loosers, selon Michel Tremblay

Le dramaturge et romancier était l'invité du Programme d'études québécoises.

Michel Tremblay rencontrait sans cérémonie les étudiants du cours Introduction à la société québécoise. Ce cours a accueilli d'autres conférenciers prestigieux, dont le démographe Gérard Bouchard et l'auteur Bruno Roy.

J'écris pour le théâtre lorsque je veux crier des bêtises au monde. J'écris des romans lorsque j'ai envie de chuchoter des histoires à l'oreille de mon meilleur ami."

Ainsi Michel Tremblay choisit-il le genre de ses histoires écrites entre Key West, État de Floride, et le carré Saint-Louis, province de Québec. Auteur de "52 livres à 52 ans", il continue de naviguer entre le théâtre et la littérature romanesque, non sans avoir tâté de la comédie musicale et des récits autobiographiques. Il livrait ces propos au cours d'une rencontre avec les étudiants du Programme d'études québécoises le 6 octobre dernier. Fidèle à lui-même - un homme à l'ego imposant mais capable de chaleur et de franchise -, il s'est présenté sans texte, se prêtant au jeu de la célébrité de passage qui répond aux questions de ses admirateurs.

"Monsieur Tremblay, pourquoi tenez-vous tant à traduire des pièces américaines?" a demandé une étudiante. "Monsieur Tremblay, l'homosexualité restera-t-elle un thème récurrent dans votre oeuvre à venir?" a renchéri sa voisine. "Trouvez-vous que le prix des billets de théâtre est trop élevé?" s'est enquis un autre.

La traduction du théâtre américain est pour lui un devoir et un plaisir. "La première fois que j'ai traduit du Tennessee Williams, les pièces américaines traversaient deux fois l'Amérique avant de nous être présentées. Ça donnait parfois des traductions honteuses."

L'homosexualité? "Oui, je vais continuer d'en parler. Mais pour moi, mes histoires sont d'abord des histoires d'humanité. J'ai eu des témoignages de gens qui ont été touchés par mes romans Le coeur découvert et Le coeur éclaté. Ce n'était pas tous des homosexuels."

Le prix des billets de théâtre? Ce sujet ne l'émeut pas. "Oui, ça coûte cher d'aller au théâtre. Mais si ça ne coûtait pas aussi cher, il n'y en aurait pas, de théâtre. Et puis, vous connaissez le prix d'un billet pour un match de hockey? 99$!"

À une question de Forum sur les parfaits ratés que sont les personnages masculins dans son oeuvre, il a répondu sans broncher: "Oui, les hommes sont à mes yeux des loosers. Pendant que les hommes se battent à la guerre, les femmes se débattent. Ce sont elles et les gais qui portent sur leur dos les grandes causes sociales."

Les belles-soeurs, une pièce marquante
En présentant le conférencier, Gilbert David, professeur au Département d'études françaises, a rappelé aux étudiants du cours Introduction à la société québécoise à quel point le théâtre d'ici avait été marqué en 1965 par Les belles-soeurs. Depuis, l'histoire de Germaine Lauzon qui doit coller un million de timbres a connu des adaptations jusqu'en Italie et en Écosse et a influencé toute une génération de jeunes auteurs.

Comme Luigi Pirandello et Samuel Beckett, Michel Tremblay a su refléter les moeurs de son époque dans des oeuvres puissantes, estime M. David. Mais à la différence de ces dramaturges marquants, Tremblay est resté accessible, compréhensible pour le plus grand nombre.

Pourtant, l'auteur n'est pas prêt à tout pour connaître une large diffusion. La télévision n'a aucun intérêt à ses yeux. Et le cinéphile en lui se refuse à faire des films. Non parce qu'il ne saurait réussir, mais parce qu'il devrait faire approuver ses scénarios par des "trous de cul". Ainsi qualifie-t-il les fonctionnaires de Téléfilm Canada et de la SODEQ qui exigent de voir les textes avant de financer les tournages.

Le plus célèbre de nos autodidactes ("la première fois que je suis entré dans une université, c'était pour donner une conférence", relate-t-il) ne lit jamais une thèse qui le concerne. Il en reçoit pourtant de 15 à 20 par an, mais il en dispose proprement, pour une raison qui demeure énigmatique. "Il y a des choses qu'un auteur ne doit pas savoir", dira-t-il laconiquement.

Après une heure et quart d'échanges, Michel Tremblay a annoncé qu'il avait assez parlé. Il s'est levé, a signé quelques autographes et est parti, à pied, vers la station de métro Côte-des-Neiges.

Mathieu-Robert Sauvé


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