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Prendre soin de moi!

Les aidantes naturelles d'un proche âgé hébergé en centre de soins de longue durée ont aussi besoin de soutien.

Francine Ducharme

Le conjoint ou le parent une fois hébergé, tout n'est pas réglé pour les aidantes naturelles. Pour leur venir en aide, une équipe de chercheuses et d'étudiantes de la Faculté des sciences infirmières dirigées par Francine Ducharme ont mis sur pied un programme d'intervention à leur intention. Celui-ci est destiné particulièrement aux filles et aux conjointes d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer hébergée en centre de soins de longue durée. En effet, les aidants naturels, on le sait, sont presque toujours des femmes.

"De nombreuses études ont été conduites auprès de ces aidantes à domicile. Mais beaucoup moins de recherches ont été menées auprès des aidantes dont le proche âgé est hébergé dans un centre de soins de longue durée, observe Francine Ducharme. Et les quelques rares études qui portent sur le sujet indiquent que l'hébergement ne soulage que partiellement l'épuisement physique et psychologique de ces aidantes."

Le niveau de stress demeure le même, seules les sources changent: nouveau milieu de vie, contacts avec le personnel soignant, perte du rôle d'aidante principale, etc. Lorsque le proche âgé présente des manifestations de la maladie d'Alzheimer comme des pertes de mémoire, d'attention et de jugement, des difficultés à communiquer ou encore des comportements inhabituels, le stress s'en trouve amplifié.

Une étude, subventionnée par le Centre d'excellence pour la santé des femmes et menée en partenariat avec l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, le Regroupement des aidants et aidantes naturels de Montréal, la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et le Centre d'hébergement et de soins de longue durée Émilie-Gamelin/Armand-Lavergne, a permis de mieux cerner les besoins des aidantes. "Il s'agissait d'explorer les difficultés auxquelles les conjointes et des filles aidantes sont confrontées ainsi que leurs besoins en matière de santé et d'élaborer avec elles un programme d'intervention visant à développer et à renforcer leurs habiletés à prendre en charge leur santé", a expliqué Mme Ducharme.

Deuils à répétition
Enfin, ce programme a été mis à l'essai et évalué afin de pouvoir l'offrir dans plusieurs centres d'hébergement et de soins de longue durée au Québec. On espère ainsi que ces femmes auront plus de contrôle sur les préoccupations et les difficultés qu'elles vivent quant à cette situation. Conséquemment, elles devraient se sentir en meilleure santé physique et mentale, prendre conscience de leurs forces, de leurs capacités et de leurs ressources et ainsi pouvoir atteindre leurs objectifs personnels.

La première étape a consisté à cerner les difficultés et les besoins des aidantes par le biais de groupes de discussion conduits auprès de huit conjointes et de neuf filles dont le proche était hébergé. Les filles étaient âgées, en moyenne, de 53 ans alors que la moyenne d'âge des conjointes était de 74 ans.

Toutes, tant les filles que les conjointes, ont trouvé particulièrement pénible la période ayant précédé l'hébergement de leur proche. "Pour les filles, cette période s'est traduite par des changements dans la relation mère-fille, l'absence de vie personnelle, des inquiétudes quotidiennes, le sentiment d'être seule à prendre soin du parent et le doute quant à la décision de l'héberger", constate Mme Ducharme.

Les deuils successifs, auxquels elles devaient faire face étant donné les transformations qui s'opéraient chez la personne hébergée, étaient également une grande source de stress, comme en témoignent ces propos recueillis par les chercheuses: "Ce n'est plus la mère qu'on a connue... C'est comme devenir la mère de sa mère... On fait des deuils à répétition, chaque semaine, sur toutes sortes de plans durant des années, des années..."

Le peu de contrôle sur les soins apportés au parent depuis l'hébergement, le fait d'être toujours à la course, le sentiment d'avoir à porter un fardeau, l'épuisement physique et psychologique, les difficultés de communication, l'impression de manquer de soutien de la part de l'entourage et du milieu d'hébergement, la peur de contracter la maladie sont d'autres éléments stressants qui ont été mentionnés par les filles.

Briser l'isolement
"Les conjointes ont déploré, pour leur part, le manque d'intimité au cours des visites, le peu de contrôle sur les soins quotidiens et la difficulté à exprimer leur mécontentement au personnel soignant, ajoute Francine Ducharme. Mais surtout, elles ont regretté l'absence de ressources pour aider le couple pendant la période qui a précédé la décision ultime d'héberger leur conjoint, période qui leur a paru très longue. La culpabilité liée à la décision de placer leur conjoint était aussi très présente." Enfin, la réorganisation de leur vie est apparue comme une expérience particulièrement angoissante.

Les chercheuses ont ensuite organisé 11 ateliers de travail avec les filles et les conjointes afin de construire un programme d'intervention répondant à leurs besoins et de définir les stratégies d'action pouvant leur venir en aide. Le programme ainsi élaboré a été intitulé "Prendre soin de moi!" Il se compose de 10 rencontres de 90 minutes sur les thèmes suivants: Comment me sentir bien avec mon proche? Comment vivre les petits deuils quotidiens et me préparer au grand deuil? Comment éviter la tourmente des émotions? Comment réorganiser ma vie après l'hébergement de mon proche? Comment reconnaître mon réseau de soutien et y faire appel? Comment faire connaître mon point de vue au personnel? On utilise comme moyens les discussions de groupe, les exercices écrits ou oraux et des mises en situation.

Le programme a ensuite été mis à l'essai auprès d'un groupe de filles et de conjointes afin d'évaluer leur satisfaction et de recueillir leurs suggestions pour l'améliorer.

"Une analyse préliminaire de quelques entrevues permet déjà d'affirmer que les participantes ont apprécié les rencontres, qui leur ont permis de briser leur isolement, de faire naître des liens de solidarité et d'acquérir des outils pour surmonter les difficultés, remarque Mme Ducharme. La phase suivante du projet permettra de vérifier les effets de ce programme sur la santé des aidantes dans plusieurs centres de soins de longue durée du Québec."

Françoise Lachance


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