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Bientôt des médicaments plus efficaces et moins chers

Louis Cartilier et son équipe obtiennent le prix Joseph-Armand-Bombardier pour leur découverte du Contramid.

C'est grâce à un système d'analyse d'images, conçu au laboratoire de Louis Cartilier, qu'il a été possible de mesurer la pénétration des solvants dans les comprimés et de comprendre le mécanisme de contrôle du polymère. Ces connaissances ont contribué à la découverte du Contramid.

D'ici 2000 ou 2001, les médicaments seront plus efficaces et moins chers grâce à une innovation technologique dans le domaine pharmaceutique. La découverte porte le nom commercial de Contramid. Dans le jargon scientifique, on l'appelle "amylose réticulé". Cette nouvelle méthode de libération contrôlée de médicaments a valu à une équipe entière de chercheurs de l'Université de Montréal et de l'Université du Québec à Montréal le prix Joseph-Armand-Bombardier.

Ce prix prestigieux, attribué par l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS), a été décerné pour la première fois à quatre chercheurs: Louis Cartilier, Yves Dumoulin, Mircea-Alexandru Mateescu et Vincent Lenaerts. "D'habitude, il est remis à une personne en particulier, mais dans notre cas la technologie a été élaborée grâce à la mise en commun de nos connaissances", explique Louis Cartilier, professeur à la Faculté de pharmacie.

Mathématiques et chimie
À l'origine de cette innovation: les mathématiques appliquées aux sciences pharmaceutiques et l'étude chimique de l'amylose réticulé. "Ces deux axes de recherche ont aidé à mieux comprendre l'action des polymères, signale Louis Cartilier. Et cela a joué un rôle important dans le processus de la découverte des possibilités de l'amylose réticulé, une matrice polymère dérivée de l'amidon à haute teneur en amylose", déclare le professeur.

Que fait concrètement le Contramid? Cet excipient permet de contrôler, selon son degré de réticulation, la libération de la substance active contenue dans un médicament, répond le directeur du laboratoire où ont été effectuées les expériences sur l'amylose réticulé. Le mécanisme de contrôle assure le prolongement de l'effet dans le temps (il libère le produit actif de façon progressive sur une période de 12 à 24 heures) et permet aussi de cibler l'endroit de la libération. Par conséquent, on augmente l'efficacité du médicament tout en réduisant les effets secondaires potentiels.

Même avec le nombre élevé de systèmes de libération contrôlée de médicaments actuellement sur le marché, Louis Cartilier se dit convaincu que le Contramid connaîtra une percée sur la scène internationale. Le Contramid possède un avantage majeur: il a la particularité de pouvoir être appliqué à une vaste gamme de médicaments pris sous forme orale. "Mais ce qui vaut pour une molécule ne vaut pas nécessairement pour une autre, note M. Cartilier. Chaque fois, il faut adapter le système ou trouver des substituts. Néanmoins, l'approche proposée par le Contramid représente un investissement moins coûteux que la recherche de nouveaux principes actifs", fait valoir le chercheur.

Histoire d'une découverte
Les travaux du professeur Mircea-Alexandru Mateescu, du Département de chimie de l'UQAM, sur les biomatériaux servent de base au mémoire de maîtrise d'Yves Dumoulin. M. Mateescu propose alors à Vincent Lenaerts, professeur à la Faculté de pharmacie, de se joindre à l'équipe. En 1991, l'étudiant décide de pousser sa recherche plus loin. Louis Cartilier prend alors la relève de M. Lenaerts, devenu vice-président à la recherche et au développement chez Labopharm, une firme lavalloise à qui les deux universités céderont les brevets de l'innovation en 1994. C'est le début du Contramid...

Huit ans plus tard, Yves Dumoulin se retrouve directeur de la recherche et du développement pour la compagnie pharmaceutique Rougier. Et puis, les quatre chercheurs sont honorés par l'ACFAS à l'occasion du Gala de la science. "D'autres personnes ont aussi participé à cette réussite, souligne M. Cartilier. C'est le cas notamment de la technicienne de laboratoire Line Migneault, du BLEU, qui a offert un soutien essentiel au moment des négociations contractuelles, et des nombreux étudiants qui, au fil des ans, ont collaboré aux travaux de recherche sur le Contramid." Tous ont d'ailleurs trouvé un emploi dans une société pharmaceutique, peut-on lire dans le journal L'UQAM branché.

Déjà trois brevets
"En général, il faut compter une dizaine d'années entre la découverte et la mise en marché", mentionne Louis Cartilier. Si l'innovation n'a pas encore franchi cette étape, Labopharm est néanmoins active dans le développement du produit. "À ce jour, trois brevets ont été déposés dans 27 pays et Labopharm vient récemment d'en obtenir deux autres, révèle le chercheur. La course aux brevets n'est pas la motivation première en recherche, mais c'est un moyen pour les compagnies pharmaceutiques de protéger leurs investissements." Les retombées financières de la commercialisation du Contramid s'annoncent appréciables. On parle d'un marché de 30 milliards de dollars américains!

Le Canada est le seul pays du G7 à comprimer les budgets accordés à la recherche universitaire. Tous les autres les augmentent. Plusieurs chercheurs de la communauté scientifique ont dénoncé cette situation à l'origine de l'exode des cerveaux dans le domaine de la santé. Ainsi la recherche fondamentale dépend actuellement des fonds de l'industrie pharmaceutique. Si certains craignent que cet argent mette un frein à la liberté des chercheurs, M. Cartilier estime qu'il représente la survie de la recherche. "L'essentiel des découvertes proviennent du privé, car l'État-providence réduit sans cesse les budgets de financement de la recherche. Sans argent, il est difficile d'arriver à trouver une molécule active."

Le prix Joseph-Armand-Bombardier est attribué à un ou à plusieurs responsables d'une innovation technologique. Il est commandité par la fondation du même nom.

Dominique Nancy


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