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Chasseur de planètes

Daniel Nadeau tente de prendre la première photo d'une planète extrasolaire.

Voici le genre de photos qu'obtient Daniel Nadeau avec sa technique. Si une planète gravitait autour de l'étoile apparaissant au centre de ces photos, elle devrait être décelable sur la photo de droite, qui est une soustraction des données numériques des deux autres photos prises dans des longueurs d'ondes différentes.

Depuis quelques années, une nouvelle profession est apparue chez les astronomes: celle de chasseur de planètes. Daniel Nadeau et René Racine, professeurs au Département de physique, sont parmi ces chasseurs.

Mais l'équipe dont ils font partie se distingue des autres chercheurs qui pourchassent ces mêmes astres; ils tentent de prendre la première photo qui permettrait de situer précisément, donc de "voir", la planète repérée.

Depuis cinq ans, une vingtaine d'étoiles autour desquelles semblent graviter des planètes ont été découvertes par diverses équipes de recherche. Mais quoi qu'en disent les titres des médias, et malgré un malheureux communiqué de la NASA annonçant en mai 1998 que Hubble avait photographié une planète extrasolaire, aucune photo d'un tel astre n'a jusqu'ici été prise.

La présence de ces planètes est plutôt déduite à partir des modifications qu'elles entraînent dans la vitesse de déplacement de l'étoile. Ces minimes variations sont observables dans le spectre lumineux: plus l'étoile se dirige vers nous, plus le spectre est décalé vers le bleu; plus elle s'éloigne, plus le spectre est décalé vers le rouge. C'est ce qu'on appelle l'"effet Doppler".

La comparaison de plusieurs mesures effectuées sur la même étoile permet d'observer des variations de vitesse aussi faibles que trois mètres à la seconde! Des irrégularités dans ces oscillations traduisent la présence de plusieurs planètes. Des observations étendues sur plusieurs années permettent ainsi de déterminer le nombre de planètes en présence, leur masse et leur distance de l'étoile.

Les limites de la méthode
"Il s'agit donc d'une méthode indirecte, souligne Daniel Nadeau, et l'information recueillie demeure partielle. On ne sait pas où se trouve précisément la planète alors que l'évaluation de sa masse ne constitue qu'un seuil minimal. De plus, il n'est pas totalement exclu que les variations observées dans le spectre lumineux soient causées par des phénomènes se produisant dans l'atmosphère de l'étoile."

La méthode ne permet en outre d'observer que les variations les plus fortes produites par des planètes géantes se trouvant très près de l'étoile, comme celles que peut engendrer une planète deux fois plus grosse que Jupiter orbitant deux fois plus près de son étoile.

Par ailleurs, l'intensité des variations du spectre lumineux dépend de l'inclinaison, par rapport à la Terre, du système observé, ce qui est impossible à mesurer. Un système planétaire se trouvant par exemple dans un plan parfaitement vertical par rapport à nous produirait une oscillation de gauche à droite ou de bas en haut dans le déplacement de l'étoile, ce qui ne pourrait pas être observable par l'effet Doppler.

Toutes ces raisons font que la vingtaine de planètes repérées jusqu'à présent ne représente que 2% des observations effectuées, alors qu'on évalue à 10% le nombre d'étoiles susceptibles d'être accompagnées de planètes.

Voir la planète
La méthode utilisée par Daniel Nadeau est complètement différente. "À l'aide d'une caméra à infrarouge et d'un cache masquant l'étoile, nous prenons deux photos simultanées dans deux longueurs d'ondes différentes, l'une dans la bande d'absorption du méthane et l'autre dans une bande voisine", explique-t-il.

Comme on ne trouve pas de méthane dans les étoiles mais seulement dans l'atmosphère des planètes, la soustraction des résultats des deux photos devrait permettre de localiser précisément la ou les planètes. "Nous aurions ainsi des données beaucoup plus précises sur leur masse, leur température et leur distance de l'étoile", estime l'astronome.

Jumelée à des instruments d'optique adaptative qui corrigent les distorsions causées par l'atmosphère terrestre, cette méthode permet de multiplier par 100 la sensibilité de la photographie en infrarouge. De tous les chasseurs de planètes, l'équipe du Département de physique de l'Université de Montréal est celle qui possède la meilleure expertise de ce procédé.

Le défi demeure de taille puisqu'il faut traquer des objets dont la luminosité est de 1 million à 100 millions de fois plus faible que celle d'une étoile. De plus, la méthode ne permettrait pas d'observer les planètes repérées jusqu'ici parce qu'elles sont situées trop près des étoiles. Une autre difficulté réside dans le peu d'indices permettant de déceler les meilleures candidates à être dotées d'un système planétaire.

Si les essais effectués jusqu'à maintenant n'ont pas donné les résultats espérés, ils ont toutefois permis de raffiner la méthode. Des simulations numériques faites par Christian Marois, étudiant à la maîtrise, ont ainsi montré que la prise d'une troisième photo dans une troisième longueur d'onde multiplierait de nouveau par 100 la précision du système.

L'équipe a donc obtenu une subvention du CRSNG qui leur permettra de fabriquer une caméra pouvant prendre simultanément trois photos dans trois longueurs d'ondes différentes. Le premier essai du nouvel appareil devrait avoir lieu au télescope Canada-France-Hawaï dans environ six mois. Un essai qui pourrait être une grande première mondiale.

Daniel Baril


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