FORUM - 5 JUIN 2000

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L'École française d'Athènes de passage à Montréal

Jacques Perreault recommande de ne pas manquer l'exposition.

Jacques Perreault, directeur du Centre d'études classiques, a tout juste eu le temps d'inaugurer l'exposition sur l'École française d'Athènes avant de partir pour l'Europe, où il supervise tout l'été des fouilles en Syrie et en Grèce.

La plus ancienne et la plus prestigieuse des écoles d'archéologie, l'École française d'Athènes, sera présente durant tout l'été au Centre d'exposition de l'Université de Montréal. Montée à l'occasion de son 150e anniversaire, l'exposition L'espace grec offre un tour guidé du monde antique par l'intermédiaire de maquettes, de modules iconographiques, de parcours virtuels et de bornes interactives.

"Cette exposition a circulé en Europe au cours des quatre dernières années, mais Montréal est le seul endroit en Amérique du Nord où l'on pourra la voir", signale le directeur du Centre d'études classiques, Jacques Perreault.

C'est grâce à un accord de collaboration entre l'École française d'Athènes et l'Université de Montréal que le Centre d'exposition a pu négocier cette exclusivité, qui le placera parmi les circuits culturels incontournables de l'été dans la métropole.

Lui-même spécialiste de la Grèce antique, Jacques Perreault a vu l'exposition au cours d'un de ses passages à Paris et a été particulièrement impressionné par les maquettes. "Cette façon de reconstituer des espaces en trois dimensions donne une belle idée de ce qu'on pouvait retrouver à l'époque", affirme-t-il.

La particularité de cette exposition sur la Grèce antique est qu'on n'y verra aucune poterie exhumée par les archéologues. Le gouvernement grec n'aurait pas apprécié que des artefacts provenant de son territoire soient exposés pour faire valoir un centre archéologique étranger.

Les fouilles archéologiques n'ont en effet pas toujours eu bonne presse. Quand, au milieu du 19e siècle, Louis-Philippe fonde par ordonnance l'École française d'Athènes, premier institut archéologique de la capitale grecque, les sites comptent souvent jusqu'à 130 employés. La prospection laisse les lieux dans un état lamentable. "Comme après le passage d'un bulldozer", fait remarquer M. Perreault. Même les spécialistes ont des problèmes à s'y retrouver dans leurs collections de vestiges.

Aujourd'hui, les équipes de fouilles ne comptent guère plus d'une vingtaine d'employés, auxquels s'ajoutent une douzaine d'étudiants, le tout sous la supervision d'un chef de projet assisté de deux ou trois personnes. La taille de l'équipe n'est pas seulement une question d'argent, mais répond aussi à la volonté de conserver une dimension humaine au travail.

"Ne serait-ce que pour connaître un peu mieux l'évolution de l'archéologie, l'exposition vaut la peine d'être vue, dit M. Perreault. En un siècle, la discipline s'est beaucoup raffinée."

Une école stratégique
Jouant un rôle stratégique dans l'étude du monde hellénique, l'École française d'Athènes anime l'essentiel des recherches françaises sur la Grèce et constitue un pôle d'attraction pour les hellénistes du monde entier. Elle a mis au jour des artefacts extrêmement riches dans les chantiers de Argos, Délos, Delphes, Malia et Thasos, entrepris au 19e siècle et toujours ouverts.

La "grande fouille" de Delphes, par exemple, dont l'essentiel des recherches a duré de 1892 à 1902, a livré les vestiges du sanctuaire d'Apollon, où a été recueillie une riche collection de sépultures, d'objets en bronze et d'inscriptions. Les nombreux bâtiments exhumés ont permis l'étude de l'architecture antique.

La Grèce moderne s'est construite sur des sites archéologiques qui témoignent du berceau de la civilisation occidentale. Pour garder un certain ordre dans l'exploration des vestiges, le gouvernement a décidé de diviser son territoire en une douzaine de circonscriptions archéologiques et il accorde des permis de fouilles selon des règles strictes. Si l'École française a eu la responsabilité de chantiers prestigieux, Jacques Perreault a, de son côté, obtenu l'autorisation de creuser à un endroit qui allait se révéler exceptionnel. Il a mis au jour la ville d'Argylos, datant des 7e et 6e siècles avant notre ère.

"On ne sait jamais ce qu'on va trouver, mais, dès que j'ai entrepris les fouilles de surface, j'ai senti que nous allions avoir de belles surprises", dit l'archéologue.

Situé à flanc de colline dans le nord-est du pays, le site exploité par l'Institut canadien et le gouvernement de Grèce a permis de mieux comprendre les relations entre les Thraces et les Grecs. "Un mobilier et plusieurs artefacts découverts par les chercheurs semblent démontrer que les deux peuples ont cohabité pendant trois générations, ce qui remet en question notre compréhension du contact."

Une quinzaine d'étudiants au baccalauréat prennent chaque année le chemin d'Argylos avec leurs instruments de fouilles et cinq autres lui consacrent actuellement des travaux de deuxième cycle.

Abandonnée rapidement, après 350 ans d'occupation, Argylos a été jadis une ville très importante. Elle a par la suite été ensablée et, comme sa position géographique n'a pas suscité l'intérêt des Romains, elle a été soustraite au saccage que ceux-ci ont fait subir au sous-sol afin d'asseoir leurs fondations. "C'est un site exceptionnel", dit M. Perreault, qui se trouve sur la piste des Thraces depuis la fin du mois de mai, sous le soleil grec.

Mathieu-Robert Sauvé

L'espace grec, 150 ans de fouilles de l'École française d'Athènes, au Centre d'exposition de l'Université de Montréal, Pavillon de la Faculté de l'aménagement, 2940, ch. de la Côte-Sainte-Catherine, local 0056. Ouvert les mardi, mercredi, jeudi et dimanche de 12 h à 18 h. Entrée libre. Jusqu'au 13 juillet.


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