FORUM - 14 FÉVRIER 2000

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2800 kilomètres sur deux roues en Chine

Accompagné de sa copine, Pierre-André Khlat s'offre cinq mois de cours pratique de chinois.

Pierre-André Khlat (à gauche) et Magali Girard (à droite) sur la place Tianan men. Après un voyage de cinq mois sur ce vélo, le jeune homme a repris ses cours et Magali, qui est titulaire d'un baccalauréat en psychosociologie, se cherche un travail.

Le 3 novembre dernier, deux jeunes Québécois faisaient la une du Banda du Shi Bao, le journal de la ville de Sing Tao, bien connue pour sa bière. C'est que Pierre-André Khlat, étudiant au Centre d'études de l'Asie de l'Est, et sa copine Magali Girard ne sont pas passés inaperçus sur leur tandem rouge vif pendant leur périple de cinq mois. Ils ont attiré l'attention tout le long de leur parcours de 2800 kilomètres, de Hong-Kong aux montagnes du Guangxi, de Beijing à Shanghai en passant par la Grande Muraille.

"Habituellement, les touristes prennent l'avion pour se déplacer d'une ville à l'autre, relate le jeune homme deux semaines après son retour à Montréal. Nous avons traversé des villages coupés des circuits touristiques. Et en vélo, nous étions très accessibles pour les Chinois."

Mais ce qui a le plus mystifié ces derniers, c'est que le jeune Occidental pouvait s'adresser à eux dans leur langue. En quelques minutes, un petit attroupement se formait. Les uns voulaient se faire prendre en photo avec le couple, les autres enfourcher le tandem, juste pour essayer. "J'avais pris deux cours de mandarin. Ce n'était pas assez pour entamer de grandes conversations, surtout dans le sud, où l'on parle le cantonais. Mais grâce à l'écriture commune, quand je ne parvenais pas à me faire comprendre, je communiquais par écrit."

Pierre-André et Magali ont aussi été interviewés par la télévision locale, ce qui leur a valu d'être reçus en dignitaires par leur aubergiste, à condition qu'ils prononcent en ondes le nom de l'endroit où ils logeaient...

Pierre-André Khlat et Magali Girard

Hôtel interdit aux étrangers
Un pays fermé, xénophobe, la Chine? Bien sûr, les visiteurs sursautent lorsqu'ils voient sur la devanture d'un grand nombre d'hôtels "Interdit aux étrangers"! La situation est d'autant plus absurde que cette inscription n'est pas toujours traduite; il faut parfois lire le chinois pour la comprendre. La première besogne des voyageurs, lorsqu'ils arrivaient dans un hameau, consistait donc à trouver l'hôtel où l'on accepterait de les loger. "Ensuite, il fallait expliquer que nous montions notre vélo dans la chambre, explique le jeune homme. Puis, négocier le prix."

Le fait de connaître le chinois, ajoute Magali, a permis d'économiser de manière significative sur le prix des chambres, car on facture toujours plus cher aux touristes.

Cela dit, les Chinois se sont montrés d'une affabilité déconcertante. Sur la route, les signes d'encouragement étaient constants. Plusieurs fois, les Québécois ont été invités à manger, et ils ne comptent plus les séances de photographie avec de parfaits inconnus désireux de garder un souvenir de leur passage.

Côté sécurité, la Chine est un pays de rêve pour les cyclistes. Il existe en quelque sorte des "autoroutes" à vélos et, dans les villes, les pistes cyclables sont nombreuses. De plus, les conducteurs de véhicules automobiles considèrent pratiquement les bicyclettes comme les maîtres de la route.

L'itinéraire des voyageurs s'est précisé au fil des jours. De Hong-Kong, ils sont partis vers l'ouest jusqu'à ce que les montagnes tibétaines les arrêtent. De là, changement de cap: ils ont pris l'avion pour la côte est et ont poursuivi leur route de Beijing à Shanghai. Au cours d'une journée typique, ils franchissaient 70 kilomètres. Mais ils ont connu des pointes de 120 kilomètres. "Nous n'étions pas partis pour accomplir un exploit sportif. Notre but était simplement de voir du pays d'une façon originale", explique Magali.

Des dictionnaires dans les sacoches
Dans les sacs accrochés au tandem, les voyageurs avaient rangé quelques vêtements, des pièces mécaniques de rechange et... des dictionnaires et livres scolaires. Pour Pierre-André, les études n'arrêtaient pas sous prétexte qu'il avait sauté un trimestre. D'ailleurs, il n'avait qu'à regarder son manuel pour réaliser qu'il avait fait du progrès.

"J'ai eu une idée lorsque nous nous sommes arrêtés dans un café disposant d'ordinateurs. J'ai demandé s'il y avait Internet, et le patron m'a répondu que oui. J'ai trouvé le site de l'Université de Montréal et j'ai cherché l'adresse de mon professeur de langue. Je lui ai envoyé un mot par courrier électronique. Puis, il m'a répondu."

Pierre-André a donc joint l'utile à l'agréable en passant son "troisième niveau" en Chine, de façon à s'inscrire au cours plus avancé au trimestre suivant. "Je connais approximativement 2000 mots, alors que le Chinois moyen en connaît plus de 10 000. J'ai donc encore du chemin à faire", dit-il.

La motivation pour ce voyage exceptionnel est venue de l'envie de bouger. "J'étais tenté par les programmes d'échanges, mais je ne voulais pas me retrouver dans une résidence pour étrangers où je n'aurais à peu près aucun contact avec les Chinois", relate le jeune homme de 21 ans.

Malgré les racontars sur l'hygiène déficiente, la difficulté de se déplacer et les dangers de vols et d'agressions, Pierre-André et Magali ont décidé de partir malgré tout et ne l'ont jamais regretté. Il faut dire que le jeune couple a l'habitude des voyages. Pierre-André a rencontré Magali dans l'organisation Jeunesse Canada Monde. Il avait déjà connu l'Égypte; elle avait passé un mois en Australie et quatre mois au Sri Lanka.

Ils ont profité de leur passage en Asie pour faire un détour par la Thaïlande et le Viêtnam. C'est dans ce pays qu'ils ont fêté le passage de l'an 2000. Preuve qu'ils étaient dans un autre monde, une affiche lumineuse indiquait "Joyeuse année 2543".

Mathieu-Robert Sauvé


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