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TÉMOIGNAGES

Hommage à Alice Girard

Alice Girard

Alice Girard a aimé la vie, une vie marquée par une suite de réalisations tout aussi importantes les unes que les autres. Les gens qui l'ont côtoyée ne l'ont pas oubliée. On se souvient d'elle comme d'une femme brillante, belle, chaleureuse, tenace, rigoureuse, exigeante, ordonnée et passionnée par la mission accomplie. Quel était le secret de ses réussites? "Beaucoup de travail et une grande part de chance", nous disait-elle. La qualité de son engagement, l'intensité de ses convictions et sa force de persuasion l'ont amenée aux premières loges; c'était d'ailleurs celles qu'elle convoitait... Elle aimait le prestige et le prestige le lui rendait bien: il lui convenait à merveille. Au-delà des grandes réalisations, Alice Girard n'a jamais oublié que tout se construit au quotidien, à petits pas, par des gains simples mais bien concrets...

"J'espère que ce n'est pas mon histoire qu'on verra, disait-elle, mais l'effort de l'infirmière pour donner à la profession son sens vrai et humanitaire." Ces paroles d'Alice Girard résument la carrière d'une femme exceptionnelle, d'envergure internationale, fondatrice et première doyenne de la Faculté des sciences infirmières. "Une faculté?" avait demandé le recteur de l'époque (un peu sceptique). "Absolument, monsieur le recteur, il n'est pas question que les femmes aient moins", avait-elle répondu... Elle a été la première femme à assumer un poste de doyen à l'Université de Montréal et elle a ainsi assuré la direction de la Faculté de 1962 à 1973. Curieuse, intelligente, elle s'était bien préparée à relever des défis: très jeune, elle avait obtenu un brevet en pédagogie, un diplôme d'infirmière, un autre en hygiène publique, un baccalauréat en sciences infirmières de l'Université de Washington en 1942, puis une maîtrise en éducation de l'Université Columbia, à New York, deux ans plus tard. Elle a été également Fellow de la fondation Kellogg à l'Université John-Hopkins en 1954 et a reçu, au cours des années 1960 et 1970, des doctorats honoris causa de l'Université de Toronto et de l'Université de Montréal.

La carrière professionnelle de Mme Girard a été des plus fructueuses. Après quelques années comme infirmière hygiéniste, elle a occupé les postes de directrice de l'École d'infirmières hygiénistes, puis de directrice nationale du nursing de la Compagnie d'assurance-vie Métropolitaine, enfin de directrice des soins infirmiers de l'hôpital Saint-Luc. Au cours de son mandat de doyenne à la Faculté, elle a siégé comme membre à la Commission royale d'enquête sur les services de santé du Canada. Aussi, elle a été la première Canadienne à présider le Conseil international des infirmières à Genève. Ses qualités de leader ont été maintes fois reconnues: qu'on pense aux nombreux honneurs reçus comme la Médaille du centenaire, la médaille Florence-Nightingale de la Ligue de la Croix-Rouge internationale et les nominations comme officière de l'Ordre du Canada et de l'Ordre national du Québec.

Au cours des dernières années, j'ai eu parfois l'occasion de lui rendre visite. Elle me disait: "Appelez-moi Alice, parlez-moi de la Faculté, des étudiants, de vos projets..." Personne enjouée, curieuse de tout, de toutes cultures, de toutes activités intellectuelles, elle s'émerveillait devant ce que la Faculté est devenue. Je garderai d'elle l'image d'une personne remarquablement autonome, déterminée, visionnaire, ne reculant devant rien pour ouvrir de nouvelles voies. Elle avait confié à l'un de nos professeurs: "Si j'avais un blason, j'y inscrirais ma devise: 'Voler de mes propres ailes.'" Et ce professeur de dire: "Son envol d'hier serait-il devenu notre continuité dynamique d'aujourd'hui?" Alice, vos filles et vos fils vous disent merci!

Nous vous remercions pour l'exemple de compétence, d'efficacité, d'engagement joyeux de femme du monde, capable de ténacité et de conciliation, de mesure et parfois de démesure, de simplicité et de noblesse. Par votre générosité à l'égard de la Faculté, vous avez tracé la voie... Nous associons votre nom, qui reflète succès, persévérance et travail accompli, à nos grands objectifs. Entre autres, le colloque Alice-Girard, activité annuelle de recherche, réunit des chercheuses, cliniciennes, étudiants au doctorats et stagiaires post-doctoraux autour d'une préoccupation centrale, soit de mettre les résultats de la recherche au profit de la qualité des soins et de l'amélioration de la santé des gens. Alice, vous êtes l'auteure d'une oeuvre qui grandit et grandira davantage. Merci!

Suzanne Kérouac
Doyenne de la Faculté des sciences infirmières


René de Chantal n'est plus

Quiconque meurt/Meurt à douleur." René de Chantal, qui nous quittait début novembre, n'a pas été épargné, emporté qu'il fut par une maladie de plusieurs mois. Il se savait condamné et c'est avec une grande sérénité qu'il a fait face à l'inévitable échéance. Son départ, à l'âge où l'on peut encore espérer de la vie, est une perte cruelle pour les siens, ses amis et le milieu francophone d'Ottawa, où il s'était réinstallé en 1981.

D'origine ontarienne - il est né en 1923 à Moose Creek -, René de Chantal avait fait des études de lettres à l'Université McGill d'abord, qui lui décernait en 1948 un "B.A. Honors", à la Sorbonne ensuite, d'où il rapporte en 1951 une licence et un diplôme de professeur de français à l'étranger, puis, en 1960, un doctorat. Sa thèse - Marcel Proust, critique littéraire (PUM, 1967) -, un classique de la critique proustienne, a remporté le Grand Prix littéraire de la Ville de Montréal ainsi que la médaille Broquette-Gouin, de l'Académie française.

Professeur à l'Université d'Ottawa de 1951 à 1962, René de Chantal est engagé par la suite comme directeur du Département d'études françaises de l'Université de Montréal dont il assure, pendant quatre ans, le développement à la fois académique et administratif. C'est ainsi qu'il recrute des professeurs ici, en France et en Belgique, qu'il voit à ce que le Département continue à donner des cours de littérature dans les programmes des anciens certificats, qu'il suit avec intérêt les enseignements au B.A. pour adultes (la future Faculté de l'éducation permanente), qu'il fonde enfin la revue Études françaises. En 1967, après un séjour d'un an à Ottawa, où il est directeur des affaires culturelles au ministère des Affaires extérieures du Canada, il revient à l'Université de Montréal comme doyen de la Faculté des lettres pour, en 1971, accepter le décanat de la nouvelle Faculté des arts et des sciences, poste qu'il occupera jusqu'à sa nomination, en 1975, comme vice-recteur aux études. À la fin de son mandat, il quitte Montréal pour Paris, où il est de 1979 à 1983 attaché culturel avec rang de ministre à l'ambassade du Canada.

Une carrière aussi bien remplie n'a pas empêché René de Chantal de poursuivre ses réflexions sur le sujet qui lui tenait le plus à coeur: la langue française. Cette véritable passion lui a fait tenir pendant 10 ans, soit de 1953 à 1963, la chronique hebdomadaire "Défense et illustration de la langue française" au journal Le Droit d'Ottawa, avant de participer à Radio-Canada, de 1964 à 1968, aux émissions La langue bien pendue et La parole est d'or. Certaines des chroniques parues dans Le Droit ont été réunies en 1956 dans les Chroniques de français, bien reçues par la critique.

Quant aux honneurs, ils n'ont pas manqué. René de Chantal a été élu dès 1966 membre de la Société royale du Canada, dont il sera vice-président de 1976 à 1977 et président l'année suivante. En 1967, il est reçu à l'Académie canadienne-française et nommé au Conseil international de la langue française, dont il occupera la vice-présidence quelques années plus tard. Récipiendaire en 1976 d'un doctorat honorifique de l'Université d'Ottawa, il est fait membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen en 1980.

Ceux et celles qui ont connu René de Chantal savent à quel point il était généreux, de ce type de générosité qui débouche sur la curiosité et l'ouverture d'esprit. De caractère optimiste, il avait un très subtil sens de l'humour que ne percevaient malheureusement pas toujours ses interlocuteurs. Un quant-à-soi aussi - dû peut-être à une certaine forme de timidité -, une grande lucidité et une remarquable simplicité, celle de l'homme de culture qui ne se paie pas d'illusions simplistes. À la retraite depuis quelques années déjà, il partageait son temps entre sa famille, son jardin et ses recherches heureuses sur la langue.

Adieu, René de Chantal, et merci de m'avoir honorée de votre enrichissante amitié.

Jeanne Demers


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