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Opus Dei: chemin de sainteté ou société secrète?

Les théologiens essaient de répondre en marchant sur des oeufs.

La table ronde qui clôturait la série de rencontres des Belles Soirées portant sur l'Opus Dei ne nous aura pas permis d'en apprendre beaucoup sur le travail "occulte" de l'Oeuvre. Fondée en Espagne par Josemaria Escrivá de Balaguer en 1928, l'Opus Dei a été érigée en prélature personnelle par Jean-Paul II et a la mauvaise réputation d'opérer comme un lobby de droite auprès des puissances politiques.

Trois théologiens et un sociologue ont, pour une rare fois, examiné la problématique que pose l'Opus Dei à l'Église catholique et la menace intégriste qu'elle pourrait représenter pour la société. Les considérations de nature évangélique ont toutefois dominé les communications.

Rappelant les obligations de soumission inconditionnelle des membres envers les dirigeants, Yvon Théroux, chargé de cours à la Faculté de théologie et président du Centre d'information sur les nouvelles religions, a voulu ramené l'Opus Dei dans le droit chemin: "Tous les grands ordres religieux resituent leur mission pour être obéissants à l'Évangile de façon intelligente et afin de se préoccuper des laissés-pour-compte. Pourquoi le mouvement ne s'intéresse-t-il qu'aux élites en délaissant les gens ordinaires? L'Oeuvre de Dieu doit être celle de Jésus dans une perspective actuelle."

Le théologien s'est aussi demandé pourquoi les membres s'engageaient auprès du pouvoir politique, sans toutefois en fournir d'exemples.

Dans la même veine, Jean-Claude Breton, également professeur à la Faculté de théologie, a soutenu que l'Opus Dei devra "s'ajuster pour demeurer pertinente dans l'avenir. Il est inévitable que de nouveaux besoins spirituels apparaissent, n'ayant pas été prévus par le fondateur de l'Oeuvre. Le fait d'être une prélature relevant du pape ne met pas à l'abri des défis de l'histoire."

Jean-Guy Vaillancourt, professeur au Département de sociologie, a fait dans les nuances. "L'Opus Dei n'est pas un groupe d'extrême droite mais un groupe de droite conservateur avec tendance intégriste modérée." Elle n'est pas non plus une société secrète mais une "société discrète."

Évaluant que l'organisation n'a pas d'avenir si elle n'abandonne pas son idéologie de droite, le sociologue y est allé lui aussi de surprenantes considérations en soulignant que l'Opus Dei semble s'écarter du "message du crucifié ressuscité" et des "vertus théologales que sont la foi, l'espérance et la charité".

Alors que ses collègues semblaient marcher sur des oeufs et mettaient des gants blancs pour formuler leurs critiques, Solange Lefebvre, professeure à la Faculté de théologie, a affiché plus d'assurance. S'en remettant pour une bonne part de son exposé à l'analyse d'un sociologue espagnol du nom de Casanova, elle a mis en évidence que l'Opus Dei utilise les moyens de la modernité -perçue comme une menace - mais avec un esprit conservateur: une attitude typique des pays de l'Est, d'où vient Jean-Paul II, à l'égard de l'Occident.

À l'instar des autres conférenciers, la théologienne critique l'orientation élitiste de l'Oeuvre. "Jésus a misé sur les gens simples et les petits. L'Opus Dei est liée à l'élite bourgeoise sans en contester l'éthique et les pratiques néolibérales, qui produisent des exclus par milliers."

Les intervenants ont donc davantage cherché à savoir si le travail de l'Opus Dei était conforme à leur vision de l'Évangile plutôt que d'examiner si les accusations de "société secrète", de "sainte mafia", de "CIA du pape" ou de "pieuvre de Dieu" était fondées. Le débat sur cette question n'a en fait pas eu lieu.

L'organisateur de l'événement, Jean Duhaime, vice-doyen de la Faculté de théologie, a par ailleurs expliqué que, s'il n'y avait parmi les orateurs ni membres de l'Opus ni critiques hostiles, c'était par souci d'éviter l'apologie et la polémique. Il a toutefois dû "négocier" avec l'Opus Dei et concédé une intervention de cinq minutes sous forme de témoignage.

"L'Opus Dei, a déclaré en substance Denise Larivée, membre de l'Oeuvre, veut simplement insuffler dans le laïcat le désir de témoigner de Jésus-Christ."

Quant aux liens entre l'Oeuvre et le régime franquiste, la dictature de Pinochet, les contras du Nicaragua, la Human Life International, l'affaire Marcinkus, le recrutement de mineurs ou encore sa tentative d'échapper aux lois fiscales canadiennes, connaît pas.

Daniel Baril


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