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TÉMOIGNAGE

Dernier hommage à Camille Laurin

Cher docteur Laurin,

Quand Francine, votre épouse, m'a demandé de vous rendre un dernier hommage, j'ai été très touché de la place qu'elle me réservait auprès de vous, dans les moments si douloureux liés à votre perte.

J'ai éprouvé une profonde tristesse à l'annonce de cette séparation définitive et de la douleur qu'elle engendre.

Nous, les médecins et les psychiatres en particulier, nous nous sentons doublement en deuil aujourd'hui. Comme Québécois, nous perdons un grand patriote - un des pères fondateurs du Québec moderne - marquant profondément l'histoire politique du Québec contemporain et aussi nous sommes tristes et endeuillés en tant que médecins et psychiatres parce que nous perdons celui qui nous a laissé une oeuvre considérable.

En 1958, à peine sorti d'une longue et solide formation postdoctorale à Boston et à Paris en psychiatrie et en psychanalyse, déjà vous étiez nommé directeur du Département universitaire de psychiatrie à l'Université de Montréal. Plein d'énergie, de fougue et riche de vos connaissances nouvellement acquises, en moins de trois ans vous avez réformé en profondeur l'enseignement de la psychologie médicale et de la psychiatrie au niveau prédoctoral.

De plus, vous avez créé le premier programme de résidence universitaire au Québec (programme complet de quatre ans), évitant l'exil obligatoire des médecins désireux de se spécialiser en psychiatrie, comme vous aviez dû le faire vous-même.

Aussi, en 1958, comme directeur médical à l'institut Albert-Prévost et plus tard comme chef du Département de psychiatrie à l'Hôpital du Sacré-Coeur, vous avez transformé cet établissement pour en faire un lieu d'excellence sur le plan de la formation des futurs psychiatres.

Comme professeur, vous avez été un enseignant remarquablement doué, transmettant avec enthousiasme votre imposant savoir; sachant séduire les étudiants par votre intelligence vive et par votre remarquable capacité de synthèse. Aussi, vous avez trouvé le temps de publier plus de 125 articles dans des revues nationales et internationales, contribuant au rayonnement de la psychiatrie québécoise. Dans ce sens, docteur Camille Laurin, vous avez été un grand universitaire.

Comme psychiatre engagé socialement, vous avez été à l'origine de la mise sur pied d'une commission d'enquête sur les soins psychiatriques qui a radicalement transformé la pratique psychiatrique au Québec. Toutes ces réformes ne se sont pas faites sans douleur et sans contestation, mais avec votre ténacité et votre patience, vous avez su garder le cap sur les objectifs fondamentaux. C'est pour toutes ces raisons que vous êtes aujourd'hui le père de la psychiatrie moderne du Québec.

Mais au-delà de toutes ces réalisations, je ne saurais terminer sans évoquer des traits marquants qui vous définissent.

J'ai eu l'immense privilège de travailler étroitement avec vous et d'apprécier l'homme toujours calme et serein, le grand humaniste, l'homme d'un immense dévouement et d'une grande générosité qui se traduisait par une disponibilité exceptionnelle. Docteur Laurin, vous aviez toujours du temps pour nous écouter. Vous aimiez dire qu'"on juge un arbre à ses fruits"; eh bien, vos réalisations ont été abondantes, vous avez été un arbre de sagesse et vous avez donné tous vos fruits jusqu'au bout de votre vie.

Docteur Laurin, prenez le repos bien mérité et laissez à vos filles et vos fils le soin de poursuivre l'oeuvre prodigieuse que vous nous avez laissée et qui continuera de nous parler de vous.

À l'homme chaleureux et fidèle à ses convictions comme à ses amitiés, nous vous disons 101 fois merci pour tout ce que vous nous laissez comme héritage individuel et collectif.

Arthur Amyot
Professeur


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