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Ritalin, hyperactivité
et interventions psychoéducatives

Le soutien pédagogique préventif et constant aux enfants hyperactifs donne de meilleurs résultats que la médication.

Les élèves hyperactifs ayant participé à l'étude de Pierre Charlebois ont obtenu des résultats scolaires nettement supérieurs à ceux des hyperactifs ne recevant aucun encadrement particulier.

Contrairement à la médication, les interventions psychoéducatives préventives auprès d'enfants souffrant d'hyperactivité ont l'avantage de leur faire acquérir les habiletés qu'ils n'ont pas et de favoriser ainsi la réussite scolaire, du moins à court terme.

C'est ce qui se dégage d'une étude menée par Pierre Charlebois, professeur à l'École de psychoéducation, auprès de deux groupes d'enfants aux prises avec le trouble de déficit d'attention et d'hyperactivité (TDAH) qu'il a suivis pendant trois ans chacun.

Ce qu'on appelle communément l'hyperactivité est une dysfonction comportementale qui n'a rien de comparable avec l'agitation occasionnelle dont font parfois preuve les enfants ou encore avec la simple distraction.

"Le TDAH inclut un ensemble de symptômes persistants comme un manque de concentration, une bougeotte continuelle, de l'impulsivité, de l'irritabilité, un manque d'autonomie et de sociabilité, explique Pierre Charlebois. Pour ces raisons, les enfants hyperactifs sont rejetés par les autres et accumulent du retard dans les apprentissages, retard qui s'aggrave à l'école."

Les symptômes deviennent souvent plus aigus lorsque l'enfant est dans un groupe et ils s'atténuent progressivement au cours de l'adolescence. Selon différentes sources, de 3% à 10% des enfants en seraient atteints et la proportion de garçons est de quatre à cinq fois plus grande que celle des filles.

Comme ces comportements ressemblent aux comportements de personnes ayant subi une lésion cérébrale aux lobes antérieurs, des dysfonctions neuronales héréditaires pourraient être en cause chez certains enfants; toutefois, pour la vaste majorité, les causes seraient plutôt d'ordre psychosocial. Dans les deux cas, les symptômes sont les mêmes, si ce n'est une plus grande bougeotte des mains dans le cas des lésions neuronales.

L'autorégulation par le bricolage
Dans deux écoles primaires, Pierre Charlebois a sélectionné deux groupes de 40 garçons présentant des symptômes du TDAH depuis la maternelle et provenant de familles monoparentales de milieu défavorisé.

"L'expérience visait à développer à la fois les capacités d'autorégulation de l'enfant par des activités de bricolage bien encadrées ainsi que les habiletés de base nécessaires aux relations sociales", explique le professeur. Les mères participaient également à des rencontres destinées à les sensibiliser au type d'intervention à établir avec leurs enfants.

Au bout de trois ans, les enfants qui avaient persisté dans la démarche, et dont les mères avaient également joué leur rôle de soutien jusqu'au bout, avaient nettement amélioré leurs résultats scolaires, notamment en français oral et écrit, en mathématiques et en sciences humaines. "Ces enfants ont réussi trois matières sur quatre comparativement à un taux de réussite de 1,6 pour le groupe contrôle d'enfants hyperactifs et de 0,7 pour les enfants qui ont abandonné la démarche."

Les mêmes résultats ont été obtenus par les deux cohortes d'enfants. Les performances nettement plus faibles des enfants qui ont abandonné incitent le chercheur à penser qu'il s'agit probablement de cas plus lourds dont les mères sont socialement isolées.

Volatilité des acquis
Alors que les études sur le traitement de l'hyperactivité par médication (notamment avec le Ritalin) commencent à montrer que cette méthode n'améliore pas le rendement scolaire à long terme, les résultats de Pierre Charlebois donnent à penser que des programmes appropriés d'encadrement psychopédagogique sont plus efficaces quant au rendement scolaire.

"Il faut préciser, souligne-t-il, que notre étude se voulait préventive et a été faite auprès d'enfants de six à neuf ans, soit un groupe d'âge à qui l'on ne prescrit généralement pas de médication pour le TDAH. Les études sur le Ritalin sont effectuées auprès d'enfants plus âgés - ayant donc accumulé un retard scolaire plus grand - et souffrant de lésions cérébrales. De plus, la médication rend l'enfant plus attentif mais ne lui donne pas les outils qu'il n'a pas, n'efface pas le retard d'apprentissage et ne règle pas ses problèmes d'interrelations; l'enfant demeure rejeté par les autres. Sur ces aspects, l'intervention psychopédagogique est effectivement plus complète et plus efficace."

Par contre, ces acquis ne semblent pas durables. L'un des deux groupes ayant participé à l'étude fait maintenant l'objet d'un suivi au secondaire et Pierre Charlebois constate que ces enfants ont besoin d'un soutien continuel tout au long du primaire et du secondaire. "L'expérience tend à montrer que les interventions brèves ne donnent pas de résultats persistants, dit-il. Si elles ne sont pas maintenues, les acquis sont perdus."

Sur les 80 enfants ayant participé au projet, seulement 3 étaient sous médication. Selon le professeur, il pourrait s'agir d'enfants souffrant de dysfonctions cérébrales. Ces enfants ont persévéré jusqu'à la fin de l'expérience et leurs résultats sont comparables à ceux des enfants n'ayant pris aucune médication.

L'ampleur du nombre d'enfants d'âge scolaire traités au Ritalin en Amérique du Nord - on parle de 5% à 8% pour le Québec alors que la proportion atteindrait parfois 40% dans certaines écoles américaines - constitue, aux yeux du professeur, un dérapage dont la responsabilité incombe "à des médecins faisant preuve de laxisme et de manque de vigilance".

Daniel Baril


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