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La Legionella loge-t-elle dans votre chauffe-eau?

Des microbiologistes vous le diront si vous habitez Montréal.

Après avoir évalué à 30% le nombre de chauffe-eau de la région de Québec qui logent la bactérie Legionella, Jean Joly et France Bernier s'apprêtent à refaire l'expérience à Montréal.

Votre chauffe-eau abrite peut-être la bactérie Legionella pneumophila, responsable de plusieurs épidémies depuis sa découverte en 1976. "Nous avons découvert des bactéries de cette famille dans des chauffe-eau de Montréal, dit le professeur Jean Joly, du Département de microbiologie et immunologie. Reste à savoir quelle est leur prévalence à grande échelle."

La bactérie se transmet par voie aérienne mais se reproduit dans l'eau chaude, stagnante et qui contient des éléments nutritifs. Or, la base des chauffe-eau électriques réunit ces trois conditions alors que les chauffe-eau au gaz ou au mazout semblent épargnés. Leur configuration ne permet pas à la bactérie de se reproduire.

Pour connaître la prévalence de la bactérie à Montréal, l'équipe du microbiologiste tente d'obtenir des échantillons d'eau de 500 chauffe-eau et la communauté universitaire est invitée à participer à la collecte de données (voir l'encadré). Dans un quartier de la région de Québec que le spécialiste refuse de nommer, la bactérie a été localisée dans 50% des foyers. Un chauffe-eau sur deux! À plus grande échelle, c'est 30% des chauffe-eau de la région qui logent la Legionella.

Si l'infection peut provoquer une pneumonie mortelle chez 15% des personnes atteintes, le Dr Joly se fait rassurant. "Surtout, pas de panique, dit-il. La bactérie ne présente aucun risque pour les personnes bien portantes. Je bois de l'eau du robinet depuis 50 ans et je ne suis pas sur le point d'arrêter."

La responsable de l'étude, France Bernier, étudiante à la maîtrise et professionnelle de recherche au laboratoire de M. Joly, a trouvé des preuves de la présence de la Legionella dans son propre chauffe-eau alors qu'elle résidait à Québec. Pour en avoir le coeur net, elle a fait analyser les anticorps de son sang. Résultat négatif. "Je n'ai rien changé à mes habitudes", dit-elle.

Il faut bien comprendre que cette bactérie est présente dans la moitié des plans d'eau naturels. Les réseaux d'aqueducs municipaux la transportent sans aucun doute vers les résidences. Elle est difficile à découvrir, car elle ne provoque pas de gastroentérite ou de diarrhée mais une toux sèche, sans expectorations, qui peut dégénérer en pneumonie. Elle n'affecte que les personnes affaiblies.

Des fumeurs infectés
La plus récente manifestation de légionellose ou maladie des légionnaires, près du Grand Théâtre de Québec en juin 1997, a fait un mort. Au total, 12 personnes ont été hospitalisées. Le Centre de santé publique a dû procéder à une décontamination des bâtiments autour du 2, place Québec. C'est dans la tour de refroidissement de cet immeuble à bureaux qu'on a retrouvé la source de l'épidémie.

À noter, les personnes qui ont manifesté des symptômes ne travaillaient pas dans cet immeuble mais résidaient dans les 500 mètres environnants. De plus, elles étaient fumeuses.

Cette mini-épidémie n'étonne pas les épidémiologistes. Aux premiers jours chauds de l'été, le système de climatisation redémarre et les bactéries qui se sont multipliées dans la tuyauterie pendant les mois d'inactivité se dispersent dans l'air que les gens respirent.

Une deuxième source de contamination est l'eau du robinet provenant non pas des chauffe-eau domestiques mais des grands réservoirs. Par exemple, dans les hôpitaux, on retrouve une bonne proportion de personnes vulnérables. Les fumeurs, ainsi que les personnes âgées, les gens qui consomment des stéroïdes et des immunosuppresseurs forment une population à risque.

Enfin, la troisième source est inconnue. Il y aurait chaque année de 10 à 20 cas sporadiques de légionellose. Ces cas intéressent Jean Joly et son équipe. "On évalue entre 2% et 5% le nombre des cas sporadiques causés par les chauffe-eau domestiques. Nous voulons en savoir plus sur ce phénomène."

20 ans d'expertise
Jean Joly s'intéresse à la bactérie depuis 1979, à peine trois ans après son identification officielle par une équipe de Philadelphie. Même si cela en fait le spécialiste le plus aguerri de la Legionella au Québec, il ne cherche pas la... légion d'honneur.

Il affirme d'ailleurs que la bactérie ne constitue pas un problème de santé publique et ne veut surtout pas alerter la population. Cependant, si son étude démontre que les cas sporadiques sont directement liés aux chauffe-eau électriques, il y aurait peut-être des mesures de prévention à prendre. Actuellement, même la vidange annuelle du réservoir n'est pas recommandée.

Claude Lesage, président de l'entreprise qui produit le populaire Cascade, estime que la vidange ne peut que diminuer la vie utile de l'appareil. "Laissez dormir votre chauffe-eau", affirmait-il au journal Le Soleil. Son point de vue n'est pas intéressé, car "plus les consommateurs vidangent, plus nous leur vendrons des chauffe-eau"!

"La bactérie existe dans l'eau depuis des milliers d'années et elle infecte les humains à l'occasion, dit le Dr Joly. Tout ce qui est nouveau, c'est qu'aujourd'hui nous la connaissons."

Mathieu-Robert Sauvé


Objectif: 500 chauffe-eau

La microbiologiste France Bernier espère obtenir 500 échantillons d'eau de chauffe-eau électriques de résidences montréalaises. Les personnes qui participeront au projet de recherche recevront les résultats de l'analyse après quelques semaines.

Le prélèvement de 500 millilitres doit être fait lorsque l'eau chaude n'a pas été utilisée depuis quelques heures, par exemple le matin ou au retour du bureau. L'échantillon doit provenir du robinet de vidange, au bas du chauffe-eau, et être apporté au laboratoire dans les 24 heures. Un court questionnaire accompagne le tout.

"Environ 30% des chauffe-eau de la région de Québec contiennent des bactéries de la famille des Legionella, dit le feuillet d'instructions. La présente étude permettra d'évaluer la prévalence de Legionella dans les chauffe-eau domestiques de la ville de Montréal."

Information: France Bernier, 343-6111, poste 5046, au Pavillon principal, local V-611.


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