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Qui sera fidèle à son Fido?

Une question capitale pour une société de téléphonie cellulaire.

Yoshua Bengio

Les sociétés investissent des sommes astronomiques en marketing afin d'aller chercher des acheteurs pour leurs produits. Elles doivent ensuite rivaliser d'ingéniosité pour "fidéliser" leurs clients.

C'est le cas, notamment, des sociétés qui offrent des services de téléphonie cellulaire. Les rabais étant alléchants au cours des premiers mois d'utilisation, beaucoup de clients ont tendance à passer d'une société à l'autre, ce qui fait fondre les marges de profit.

Or, comment savoir quels sont les clients potentiels qui auront le plus tendance à demeurer fidèles, soit ceux sur qui il est plus rentable pour une société d'orienter ses opérations de marketing?

C'est là une des questions auxquelles tentera de répondre Yoshua Bengio, professeur au Département d'informatique et de recherche opérationnelle et chercheur au Centre de recherches mathématiques. Avec son équipe, financée dans le cadre du réseau de centres d'excellence MITACS (voir ci-dessus), M. Bengio fait de "l'extraction d'informations à partir de données", traduction de data mining, opération qui, pour l'instant du moins, n'a rien à voir avec le secteur des mines et métaux... On ne s'étonnera pas de savoir que la société Microcell, qui commercialise un téléphone cellulaire fortement associé au meilleur ami de l'homme, participe au financement de ses recherches.

Neurones artificiels
Certes, les méthodes classiques d'analyses statistiques permettent déjà de définir des tendances, de savoir, par exemple, quel comportement adopteront des clients ayant en commun certaines caractéristiques démographiques dans une situation donnée. Mais ces méthodes ont des limites. Par exemple, elles fonctionnent mal quand on essaie d'établir des relations entre de nombreuses variables, observe Yoshua Bengio.

L'utilisation de la modélisation en marketing peut être considérée comme une nouveauté puisque les techniques qui permettent une telle application sont très récentes.

"Ces méthodes, qu'on appelle 'réseaux de neurones artificiels', remontent à la fin des années 1980", constate M. Bengio. Devançant la question, il ajoute: "Il s'agit ici d'une ressemblance avec la façon dont le cerveau traite l'information et non avec les neurones en tant que structure biologique."

Les techniques classiques ne sont pas rejetées pour autant; au contraire, elles servent de point de départ pour pousser plus loin l'investigation.

"Cependant, ces outils primaires, basés sur la visualisation et le qualitatif, ne sont plus appropriés lorsqu'il y a beaucoup de variables et de dérivées, signale le chercheur. Un graphique avec abscisse et ordonnée est possible quand il y a 2 variables mais ne l'est plus lorsqu'il y en a 100. Il faut alors recourir à des techniques plus automatiques."

Dans ce type de recherche, habituellement, on sait exactement ce qu'on cherche. Dans le cas présent, on veut connaître les caractéristiques psychologiques, démographiques, socioéconomiques, etc., des clients qui auront le plus de chances d'être fidèles. "Mais il y a aussi des cas où l'on ne sait pas vraiment ce qu'on cherche, poursuit Yoshua Bengio. On fait seulement l'hypothèse qu'il y a différentes catégories de clients, ayant des comportements différents, et l'on essaie de les établir."

Prédire mieux que le hasard
Les modèles mathématiques que comptent mettre au point Yoshua Bengio et ses collaborateurs devraient mener à la commercialisation de logiciels. Cependant, ces modèles ne serviront pas qu'à la téléphonie cellulaire. D'ailleurs, une société pharmaceutique, Merck Frosst, est également intéressée par ces recherches.

De plus en plus, les compagnies pharmaceutiques utilisent des robots pour effectuer leurs premiers tests sur les molécules. Ces machines peuvent faire simultanément plusieurs centaines de tests. Les sociétés obtiennent donc ainsi, très rapidement, un grand nombre de résultats. Ensuite, elles doivent procéder aux tests cliniques, qui nécessitent de gros investissements. Par conséquent, elles cherchent à savoir lesquelles de ces molécules ont le plus de chances de devenir un médicament qui pourra être mis rapidement sur le marché afin de réduire leurs coûts de production.

"Avec nos algorithmes, explique Yoshua Bengio, nous essayons donc de prédire les résultats des tests futurs à partir des résultats des tests passés pour que la société puisse commencer à traiter en premier les composés qui semblent les plus prometteurs. Il s'agit en somme de voir si l'on peut prédire les chances de succès mieux que le hasard."

Françoise Lachance


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