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IRCM: lancement de l'observatoire Éthique et télésanté

Le gouvernement accorde 310 000$ à ce centre qui surveillera l'utilisation des renseignements personnels.

Pierrôt Péladeau n'a rien perdu de son mordant.

Grâce aux dossiers médicaux personnels circulant sur l'autoroute de l'information, votre médecin de famille saura tout! Sa conscience lui dictera-t-elle d'informer votre frère, votre mère, votre conjoint(e) qu'un psychiatre vous prescrit des antidépresseurs? Qu'un test vient de confirmer votre séropositivité au VIH ou votre prédisposition au cancer du sein ou de la prostate?

Voilà quelques-unes des questions que devront approfondir les chercheurs associés au Centre de bioéthique de l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), qui vient de lancer l'observatoire Éthique et télésanté.

"Par télésanté, on entend tout ce qui se rapporte aux nouvelles technologies de l'information et des communications dans le domaine de la santé et des services sociaux, explique le coordonnateur Pierrôt Péladeau. Cela va de la mise en réseau des dossiers médicaux jusqu'à la télémédecine, en passant par Internet, la ligne Info-santé et éventuellement la carte à puce."

Le 17 septembre dernier, le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, André Boisclair, est venu annoncer l'octroi par son gouvernement d'une subvention de 310000$ (dont 60000$ par le ministère de la Métropole) pour ce projet.

"Si les renseignements personnels circulent dans l'ensemble du réseau, quels professionnels, quels chercheurs, quels administrateurs auront accès à quels renseignements? Quel contrôle aura le citoyen sur cette circulation des renseignements le concernant?" s'est demandé le ministre.

M. Boisclair a affirmé que son ministère n'hésiterait pas à mettre des bâtons dans les roues du ministère de la Santé et des Services sociaux s'il jugeait que l'intérêt public pourrait être menacé en matière de protection des renseignements personnels. "Le droit à la vie privée est inclus dans la Charte québécoise des droits, a dit M. Boisclair. Nous venons de mettre sur pied une direction des droits qui a pour mission, un peu comme l'observatoire créé aujourd'hui, de protéger ces droits. Le projet de loi 452, qui va dans ce sens, est par ailleurs en examen actuellement."

La carte à puce retardée
Après avoir suscité un enthousiasme sans précédent, l'implantation des nouvelles technologies de l'information a laissé place à un certain scepticisme de la part des associations de défense des droits de la personne. À tel point que les autorités gouvernementales ont dû reporter de trois ans le lancement de la prodigieuse carte à puce individuelle possédant tout le dossier médical du porteur. Initialement prévue pour 1998, cette carte ne sera pas dans nos poches avant 2001.

"La médecine, explique M. Péladeau au cours d'une entrevue, a toujours été un acte de communication. En médecine moderne, la technologie apporte des outils de plus. Dans quelques années, on ne parlera plus de ces outils et l'on fera toujours de la médecine. Comme dans Star Treck... Il y a toujours des médecins dans ce genre d'émission. Des médecins qui soignent leurs patients. Ils utilisent la technologie comme un moyen sans clamer qu'ils font de la télésanté!"

Reste que la mise au point de ces innovations technologiques soulève des enjeux légaux et éthiques qu'il analyse avec minutie. "J'utilise souvent l'image du guichet automatique et du projet de loi. Quand on conçoit un guichet automatique, on inscrit les règles à l'intérieur d'un programme informatique et des dizaines, sinon des centaines de milliers de personnes vont s'y conformer. S'il y a erreur de programmation au départ, les conséquences peuvent être catastrophiques. Un projet de loi, c'est plus facile à changer en cours de route si l'on voit que des détails clochent."

L'homme qui fait peur au monde
Pierrôt Péladeau est l'un des spécialistes canadiens de la confidentialité. Juriste, il a écrit en collaboration L'identité piratée (SOQUIJ, 1986), qui aurait joué un rôle dans l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé du Québec en 1993. Il a notamment participé à la mise en oeuvre des programmes de gestion et de protection des renseignements personnels de plus de 500 organismes.

Quand il était porte-parole des associations de consommateurs, ses sorties publiques étaient souvent percutantes. "Des représentants d'entreprises m'ont déjà dit: 'Toi, t'es pas reposant.' Il est vrai que j'ai souvent agité des drapeaux rouges à titre de porte-parole du public. Mais dans les faits, je crois que le secteur privé aime savoir à quoi s'en tenir avant de lancer ses projets. Dans ce sens, je suis utile à leurs yeux."

Après une carrière dans le communautaire, le public et le privé (il a été vice-président de Projesta entre 1993 et 1997), son arrivée comme chercheur invité au Centre de bioéthique de l'IRCM peut surprendre. Le principal intéressé est pourtant ravi du rôle qu'il peut jouer à titre de coordonnateur de l'observatoire Éthique et télésanté.

Pour David J. Roy, l'observatoire donne un cinquième volet aux activités de recherche de son centre de bioéthique, qui a toujours cherché à investir des champs de réflexion nouveaux. À l'inauguration du Centre, en 1976, le volet sur le cancer occupait une grande place. Puis, ce fut au tour des soins palliatifs, du traitement du VIH et du sida, des recherches sur le génome et enfin de la télésanté.

Mathieu-Robert Sauvé


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