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Les droits humains dans les accords européens

L'intégration des droits fondamentaux peut servir de ciment aux accords économiques en garantissant les principes démocratiques.

Guy Scoffoni

Au moment où nous célébrons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la place que doivent occuper ces droits dans les accords internationaux est au coeur des débats qui entourent le développement de l'Union européenne.

Si les artisans de l'Accord de libre-échange nord-américain ont choisi d'évacuer totalement cette dimension, les Européens ont préféré une approche différente en accordant une place importante et grandissante aux droits fondamentaux dans leurs accords internationaux.

Mais ceci n'est pas sans complexifier les choses. Invité dans le cadre d'un séminaire donné par la chaire Jean-Monnet en intégration européenne, le professeur Guy Scoffoni, de la Faculté de droit de l'Université d'Aix-Marseille III, est venu exposer le contexte dans lequel évolue la question des droits humains dans une Europe en plein bouleversement.

"Les droits fondamentaux étaient absents des traités conclus dans les années 1960 et 1970 parce que l'on considérait à l'époque que des traités économiques n'étaient pas de nature à porter atteinte aux droits humains, a mentionné M. Scoffoni. Mais l'évolution de ces traités a multiplié les occasions de conflits entre les États membres et les institutions supranationales. L'insistance pour intégrer les droits fondamentaux dans les accords a été alors de plus en plus grande."

Lorsque les accords sur le marché agricole interdisent, par exemple, à une région de cultiver de la vigne, il est facile d'y voir une atteinte au droit de propriété ou au droit à l'égalité. Le juriste a également mentionné un cas d'atteinte à la liberté de religion soulevé par une candidate à un poste de fonctionnaire de l'Union invitée à un examen d'admission un jour d'observance religieuse.

Ciment démocratique
"Au-delà des objectifs de développement économique, a poursuivi le professeur, les institutions européennes visent à prévenir les guerres qui ont déchiré le continent. Les droits fondamentaux prennent alors une valeur symbolique de démocratie en synthétisant les principes sous-jacents à l'unification comme la liberté, l'égalité et la solidarité. L'intégration des droits fondamentaux permet donc de développer la cohésion interne de l'Europe, cohésion nécessaire pour qu'elle puisse affronter les autres grands blocs économiques."

À partir de Maastricht, les accords ont fait une place plus formelle à ces droits, mais sans qu'on en dresse un catalogue précis. Les accords soulignent que l'Union respecte les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et par le patrimoine commun aux constitutions nationales, tels les droits à l'égalité, à la liberté d'association et de propriété, à l'exercice d'une profession, à la liberté de religion et à la vie privée.

Le traité d'Amsterdam, conclu en 1994, a consacré ce principe, ajouté une mention relative aux droits sociaux et fait du respect des droits humains une condition pour l'adhésion de nouveaux membres à l'Union. "Mais la seule sanction prévue en cas de non-respect, c'est la perte du droit de vote et non l'exclusion. De plus, il n'y a toujours pas de charte des droits ni de recours individuels possibles", déplore Guy Scoffoni.

Malgré les difficultés que poserait l'élaboration d'un catalogue des droits fondamentaux dans l'état actuel des législations nationales et supranationales, le professeur est enclin à penser qu'un tel document aurait une fonction de légitimation importante. "Mais une simple déclaration sans mécanisme pour faire respecter les droits est insuffisante, ajoute-t-il. On se souvient que l'URSS avait la déclaration de droits humains la plus complète qui soit..."

Un autre invité de la chaire Jean-Monnet présent à ce séminaire, le professeur Jean-Claude Gautron, de l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, s'est pour sa part montré opposé à l'élaboration d'un catalogue des droits. Soulignant les problèmes juridiques, politiques et techniques liés à la rédaction d'un tel document, il a rappelé que "l'Union n'est pas un État et elle a été mise en place pour des fonctions économiques."

Daniel Baril


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