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Monsieur Linux

Jean-Claude Guédon propose une voie pour sortir du cercle vicieux des "obésiciels".

Un "obésiciel", c'est un logiciel qui gonfle démesurément à chacune de ses rééditions. Il gonfle tellement qu'il ne peut plus entrer dans votre ordinateur. Vous êtes alors contraint d'acheter un nouvel appareil. Trois ans plus tard, vous vous retrouvez dans la même situation.

"A-t-on plus de fonctions utiles dans les dernières versions des traitements de texte que dans celles d'il y a 15 ans? se demande Jean-Claude Guédon, professeur au Département de littérature comparée. Pourtant, il faut des appareils mille fois plus puissants pour les faire tourner. C'est comme si la gestion des routes était laissée à des entreprises qui en modifiaient les caractéristiques tous les quatre ans pour nous forcer à changer de voiture."

Le professeur Guédon s'insurge contre cette approche mercantile fondée sur l'obsolescence et sur laquelle repose toute l'industrie de l'informatique. Le problème devient très épineux lorsqu'il s'agit, comme en ce moment, d'équiper des centaines d'écoles publiques avec des appareils à 2000$ chacun, sachant qu'ils risquent d'être désuets dans quelques années. Et c'est sans compter le prix d'achat des logiciels commerciaux.

Linux
"Cette façon de faire est mal pensée, inefficace et trop coûteuse", affirme Jean-Claude Guédon. Dans un texte qu'il signait récemment dans la revue Québec Science, il fait valoir qu'il vaudrait mieux apprendre aux jeunes quelques notions de programmation qu'ils pourraient appliquer à des usages concrets pour répondre à leurs besoins.

Il existe actuellement un système d'exploitation permettant un tel apprentissage et un tel usage, soit le système Linux, un rejeton de Unix conçu par un jeune crack en informatique qui a rendu son produit disponible gratuitement. Le professeur Guédon, qui ne jure que par ce système, travaille avec conviction pour l'implanter dans les écoles et même à l'Université. Ses nombreuses interventions en ce sens lui ont d'ailleurs valu le surnom de "Monsieur Linux".

"Linux est un système à codes ouverts, c'est-à-dire qu'il rend le langage de la programmation accessible, explique-t-il. Tout informaticien peut travailler directement sur la programmation; en une journée, on peut par exemple arriver à franciser un programme." À son avis, des jeunes du secondaire peuvent réussir à produire des logiciels sur la base de ces codes stables; ainsi, les établissements scolaires pourraient se sortir du cercle vicieux des obésiciels. Son implantation dans les écoles permettrait au Québec de se doter "d'une compétence redoutable" en informatique.

Linux peut tourner sur diverses plates-formes, que ce soit sur IBM, Macintosh, Silicon Graphics ou leurs clones, et plusieurs logiciels adaptés sont maintenant vendus sur le marché. Toujours selon Jean-Claude Guédon, Linux serait beaucoup plus convivial qu'on le croit.

L'avantage de cette flexibilité est de pouvoir mettre en réseau des appareils de divers types qui deviennent ainsi autant de terminaux X d'un même serveur. Cela permet de maintenir fonctionnels des appareils jugés désuets et d'abaisser ainsi le prix à l'unité à moins de 500$ l'appareil.

Résistance à l'UdeM
L'analyse que fait Jean-Claude Guédon vaudrait également pour la situation prévalant à l'Université de Montréal. Il y aurait à son avis des économies appréciables à faire si l'Université implantait le système Linux. Les dépenses en ressources humaines nécessaires à cette implantation et à la formation des usagers seraient compensées à court terme par les économies réalisées grâce à une longévité accrue du matériel.

Le professeur déplore que l'Université ait plutôt une "mentalité de consommateur" incompatible à ses yeux avec celle d'un "citoyen responsable engagé dans son milieu".

Et ici le professeur s'emballe et s'emporte même. "Nous sommes de bien piètres professeurs si nous nous comportons comme de vulgaires consommateurs. Il est inacceptable d'être à la fois élite et consommateur. L'Université maintient un rapport de consommation à l'égard de l'informatique alors qu'elle devrait viser l'appropriation des connaissances. Ne sommes-nous qu'une bande de caves passifs?"

Non seulement avons-nous toutes les ressources intellectuelles pour assurer cette appropriation, mais l'Université peut même soutenir les autres niveaux du système d'éducation, estime Jean-Claude Guédon. Il suffirait selon lui que l'Université "cesse de se comporter comme une institution frileuse".

Daniel Baril


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