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Comment prévenir les incendies criminels

Un meilleur suivi des conditions socio-économiques pourrait faire chuter de moitié les incendies volontaires.

Luc Vallée


Les assureurs auraient, semble-t-il, grand intérêt à prendre en compte les facteurs comme le taux de chômage, les niveaux de revenus, la charge hypothécaire, la capacité de payer des locataires et le taux d'occupation des logements pour fixer les primes d'assurances des propriétaires. Tous ces éléments ont en effet une incidence directe sur le taux d'incendies criminels.

Actuellement, les assureurs ne tiennent compte que des facteurs matériels "objectifs", comme l'état du bâtiment, son isolement, la présence ou non d'un surveillant, pour fixer

les primes d'assurance-incendie-habitation. Pourtant, selon Luc Vallée, professeur à l'Institut d'économie appliquée de l'École des Hautes Études Commerciales, ces facteurs ne sont pas déterminants pour juger les risques d'incendies volontaires quand un changement dans la conjoncture menace la rentabilité et la solvabilité d'une propriété.

"Ce sont les facteurs dits 'subjectifs', affirme-t-il, qui permettent de déterminer si l'assuré risque de mettre le feu à son propre bien."

 

Chômage et incendies

Le tableau du nombre d'incendies survenus à Montréal entre 1982 et 1993 montre que la fréquence annuelle des incendies rapportés suit sensiblement le cycle économique de la même décennie. Comme on pouvait s'y attendre, cette fréquence confirme, aux yeux du chercheur, la plus grande prévalence du crime en général dans des périodes économiques difficiles.

Des facteurs subjectifs comme le chômage et la charge hypothécaire permettent de déterminer si l'assuré risque de mettre le feu à son propre bien.

Sur 1733 incendies rapportés pendant cette période, 946 (soit 54%) ont été attribués à une origine criminelle. Même les incendies attribués à des causes naturelles augmentent pendant les années de récession, ce qui fait dire au professeur qu'une partie de ces incendies classés "accidentels" ou "indéterminés" sont en fait des incendies criminels mieux camouflés.

Luc Vallée a voulu confirmer cette première constatation en cherchant une corrélation entre 15 critères pouvant influer sur la subjectivité du propriétaire (comme le taux de chômage, la charge hypothécaire, le taux d'inoccupation, l'âge du bâtiment, le nombre de logements, etc.) et le nombre d'incendies criminels de deux années repères, 1986 et 1991.

Les deux variables qui s'avèrent les plus significatives pour les deux années étudiées sont le taux de chômage dans le secteur urbain concerné et la charge hypothécaire du propriétaire par rapport à la valeur des bâtiments résidentiels du secteur.

Selon son étude, une augmentation de 1% dans le taux de chômage pourrait se traduire par une hausse allant de 0,58 à 0,78 incendie par 10 000 logements, ce qui est considéré comme assez élevé puisque la moyenne des incendies pour le même nombre de logements est de 5,56.

Une variation à la hausse de un millième dans le ratio entre la charge hypothécaire et la valeur des résidences environnantes (ratio établi à 0,006 pour 1986) pourrait par ailleurs signifier 1,2 incendie de plus par 10 000 logements.

 

Réduction des primes

"Des caractéristiques socio-économiques peuvent donc être utilisées comme indicateurs de la probabilité qu'éclatent des incendies dans un secteur urbain donné, affirme le professeur. Les compagnies d'assurances devraient donc systématiquement tenir compte de ces caractéristiques."

Selon Luc Vallée, les assureurs devraient surveiller les zones présentant des profils à risque de fraude ainsi que l'évolution des caractéristiques socio-économiques globales et la charge hypothécaire des assurés.

"Il serait difficile de fixer un taux en fonction de ce risque parce que ce serait présumer de la malhonnêteté de l'assuré, mais une lettre adressée aux propriétaires pour signaler que l'assureur suit l'évolution de la situation, accompagnée de résultats d'études sur les risques subjectifs, pourrait avoir un effet dissuasif, estime-t-il. Il a été prouvé qu'un suivi plus marqué de la situation des assurés réduit de 50% les taux d'incendies qu'ils déclarent."

En dernière analyse, l'amélioration de la capacité des assureurs à calculer les probabilités d'incendies criminels en prenant en compte les éléments de la situation socio-économique "pourrait réduire significativement les réclamations et, par conséquent, les primes", conclut le chercheur.

Daniel Baril


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