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«Femme cherche partenaire désespérément»

Chez les femmes à la recherche d'un partenaire, la peur d'être seules est plus grande que la peur du sida.

Pauline Morissette et
Nicole Dedobbeleer


"Le sida, c'est pour les autres. Ça ne saurait m'arriver puisque j'ai été mariée et fidèle pendant 20 ans et que je ne fais pas partie des groupes à risque."

C'est l'attitude que semblent avoir bon nombre de femmes seules et qui sont à la recherche d'un partenaire. Cette vision des choses les conduit-elle à adopter des comportements leur faisant courir plus de risques de contracter le sida que de rencontrer l'âme soeur?

Nicole Dedobbeleer, professeure au Département de médecine sociale et préventive, et Pauline Morissette, professeure à l'École de service social, ont voulu éclaircir la question et, le cas échéant, savoir pourquoi ces femmes prennent des risques.

Le comportement sexuel de ce groupe est très peu documenté alors que l'on compte quelque 250 000 femmes vivant seules au Québec. Plusieurs raisons font soupçonner aux deux chercheuses que ces femmes vivent dangereusement. D'une part, les études sur le sida montrent que c'est chez les femmes hétérosexuelles que le nombre de cas augmente le plus rapidement et que 52% de toutes les sidéennes canadiennes se trouvent au Québec.

La multiplication des occasions de rencontre, la tolérance sexuelle entre nouveaux partenaires, la dépendance affective et économique des femmes sont autant de facteurs de risque qui font augmenter le danger de contracter le sida.

 

Les plus âgées se protègent moins

L'étude, encore en cours, laisse déjà entrevoir un profil qui semble confirmer leurs craintes. "Ces femmes ne se protègent pas et vivent un risque potentiel", affirme Pauline Morissette. Des 437 femmes qui ont participé à l'étude - célibataires ou divorcées, âgées de 30 à 54 ans, ayant eu une vie sexuelle active au cours des cinq dernières années -, seulement 30 % disent toujours se protéger (c'est-à-dire recourir au condom) alors que 44% ne se protègent jamais.

Quatre femmes sur 10 ont eu pendant ces cinq dernières années quatre partenaires ou plus. Dix pour cent de ces relations n'ont été que de très courte durée et ne sont pas allées plus loin que la première nuit. Dans un cas sur cinq, la première relation sexuelle suit le premier contact qui, parfois, n'est qu'un contact téléphonique!

Ce qui paraît aller encore plus à l'encontre du bon sens, c'est que dans 41% des cas la première rencontre a lieu dans une résidence privée, soit chez elle ou chez lui.

"Ce sont là des comportements à risque parce que ces femmes ne savent que très peu de choses sur le passé sexuel et les habitudes de vie de leur partenaire", souligne Pauline Morissette.

L'étude révèle par ailleurs que plus les femmes sont âgées, moins elles se protègent: 47% des femmes de 30 à 34 ans se protègent moins d'une fois sur deux, alors qu'elles sont 70% chez celles âgées de 50 à 54 ans à prendre un tel risque.

Ce qui peut paraître étonnant ne surprend pas les deux chercheuses: "Ceci peut s'expliquer par le fait que les hommes plus âgés sont probablement plus réticents à utiliser le condom et, en même temps, que les femmes plus âgées ont plus de difficulté à s'affirmer, avance Nicole Dedobbeleer. Plus elles avancent en âge, plus elles ont de la difficulté à trouver un partenaire et plus elles craignent la solitude. Elles sont alors moins sélectives. La peur pour elles d'être seules est plus forte que la peur du sida."

"Ma vie est un no man's land", "Les hommes cherchent des jeunes" ont inscrit comme commentaires certaines femmes sur le questionnaire qu'elles ont rempli.

Autre tendance inquiétante, l'étude montre que plus les femmes ont de partenaires et plus elles consomment d'alcool et de drogues, moins elles se protègent. De plus, 10% des répondantes déclarent avoir eu une relation sexuelle contre leur gré, par coercition verbale ou physique. "La violence sexuelle est un élément majeur chez les sidéennes", souligne Mme Morissette.

 

Conscientes du risque

"Même si les femmes qui ont participé à cette étude ne font pas partie des populations où l'incidence du sida est très élevée, leur comportement est à risque élevé, reprend Nicole Dedobbeleer. Quelle sera la situation chez ce groupe de femmes dans 10 ou 20 ans?"

Ces femmes sont toutefois conscientes des risques qu'elles prennent puisque 68% d'entre elles ont déjà passé un test de dépistage du sida. "Le test est surtout passé par celles qui se protègent peu et cela nous montre qu'elles sont inquiètes, estime Pauline Morissette. Elles savent que leur comportement est à risque, mais n'ont pas l'occasion d'en discuter."

Afin de mieux connaître pourquoi les femmes de cette catégorie adoptent un tel comportement malgré tout ce qu'on sait sur le sida, les deux chercheuses poursuivent leur étude en effectuant des entrevues qualitatives avec une trentaine de femmes parmi celles dont le comportement s'est avéré le plus à risque.

Daniel Baril


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