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Algérie mon amour

Le conflit algérien divise jusqu'à l'Université de Montréal.

   Mohammed Nekili

 

"La peur n'est plus une excuse, et le silence n'est pas une réponse. L'histoire n'oubliera pas ceux qui dénoncent, même à voix basse, les égorgeurs de femmes et d'enfants. Ça ne peut plus durer."

Pour Mohammed Nekili, étudiant au doctorat en informatique, les intellectuels d'Occident doivent se mobiliser et dénoncer la situation actuelle, sans quoi ils "manquent à leur engagement". Comment? En s'informant à des sources dignes de foi et en tentant d'intervenir à différentes tribunes afin qu'une commission internationale mène une enquête sur les vrais responsables de la tuerie qui a fait entre 60 000 et 200 000 victimes depuis 1990.

Si le grand public a une image chaotique de l'Algérie moderne, les Algériens exilés gardent de leur patrie des souvenirs plus gais. Mohammed Nekili, qui a quitté son pays il y a huit ans pour venir étudier au Canada, a voulu partager certains de ses souvenirs dans le cadre de la Semaine interculturelle, du 9 au 13 février dernier. Devant un auditoire attentif, il a présenté des diapositives de la vie quotidienne en Algérie, de sa campagne et de ses villes.

Après un survol de l'histoire du pays, il a prononcé une conférence où se mêlaient poésie, politique et religion. Il a même récité des poèmes patriotiques en arabe qu'il traduisait ensuite en français pour ses auditeurs. "C'est mon Algérie que je vous présente ici, a-t-il dit. D'autres personnes auront une autre vision de ce pays et c'est leur droit."

 

Débat houleux

Toutefois, son analyse des événements dramatiques survenus en Algérie depuis six ans n'a pas fait l'unanimité. Le membre actif de l'Association des étudiants musulmans de l'Université de Montréal a même été qualifié d'"intégriste" par une étudiante d'origine algérienne qui assistait à l'exposé. "En Algérie, il y a des femmes partout. Pourtant, dans vos photos, on ne voit que des hommes, et deux ou trois femmes voilées. Chez moi, ni ma mère, ni ma grand-mère, ni moi ne portons le hidjab."

Affirmant ne pas s'être reconnue dans le portrait culturel tracé par M. Nekili, la jeune femme a attribué au fanatisme religieux une bonne partie des crimes commis sur des villageois innocents. "On achète des armes dans les mosquées", a-t-elle dit. Des armes notamment fabriquées au Canada.

Le problème algérien n'a rien à voir avec la religion, a soutenu M. Nekili. C'est la corruption de haut niveau qui provoque le chaos. "Les révélations coraniques, comme les révélations judaïques ou chrétiennes, sont formelles sur ce point: tuer un homme, c'est s'attaquer à l'humanité. Je ne dis pas que certains groupes islamistes ne sont pas infiltrés par des assassins, mais ce n'est pas la règle."

S'il faut trouver des coupables, ils ne sont pas du côté des islamistes, a-t-il soutenu. Le conflit entier prend plutôt sa source dans l'"avortement du processus démocratique" qui, à la suite des premières élections législatives, a donné la victoire au Front islamique du salut (FIS) en janvier 1992. Cette victoire n'a pas été reconnue, ce qui a plongé le pays dans un conflit qui s'éternise.

 

Le FIS non violent?

Le conférencier a fait bondir les spectateurs quand il a affirmé que s'il devait choisir un camp, ce serait la faction armée du FIS. Cette faction, a-t-il expliqué, est la seule parmi les groupes en présence à avoir proclamé une trêve dans les hostilités.

Le problème, a-t-il reconnu par la suite, c'est que le FIS serait seul à avoir respecté cette trêve. Les crimes perpétrés par plus de 400 groupes ont continué sous les yeux mêmes de l'armée algérienne, qui va jusqu'à refouler les fuyards dans les villages où les assassins sont à l'oeuvre.

M. Nekili ignorait que le FIS a pourtant affirmé être lié à un attentat qui a fait plusieurs victimes il y a quelques mois, comme l'a rapporté une spectatrice. Celle-ci a tourné en dérision le titre de l'exposé de M. Nekili, "Jamais sans mon Algérie", une allusion à un livre à succès où le monde arabe ne faisait pas bonne figure. "Vous auriez dû appeler ça 'Jamais sans mon FIS'!"

Cette conférence pour le moins houleuse n'était qu'une des activités de la Semaine interculturelle, organisée par le Service des activités culturelles de l'Université de Montréal. Outre les stands d'information dans les pavillons, les activités à saveur artistique se sont déroulées dans une atmosphère de franche camaraderie. On a noté une excellente participation des étudiants cette année, signale Isabelle Dalseggio, la responsable. Les soirées de tango, de danse gitane et de baladi ont été particulièrement appréciées.

Mathieu-Robert Sauvé


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