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Une mémoire d'escargot

Le Dr Castellucci remporte le prix international de l'Académie des sciences de Turin pour ses travaux sur la structuration de la mémoire.

Vincent Castellucci tenant dans ses mains un escargot de mer appelé aplysie.

Il n'y a pas que les éléphants qui ont de la mémoire; les escargots aussi et ils ont de plus l'avantage de prendre moins de place dans un laboratoire.

Malgré leur lenteur proverbiale, ces petites bêtes ont fait progresser à grands pas les connaissances sur la structuration du cerveau et des réseaux neuronaux à la base de la mémoire. Les travaux du Dr Vincent Castellucci, directeur du Département de physiologie de la Faculté de médecine, y sont pour beaucoup dans l'avancement de ces connaissances.

À partir de recherches effectuées sur un escargot de mer, l'aplysie, le Dr Castellucci est parvenu à mettre au point un modèle d'expérimentation permettant de vérifier les modifications neurologiques qui surviennent en cours d'apprentissage. Son modèle permet d'observer les changements qui se produisent dans la structure des neurones sensoriels lorsqu'on emmagasine de l'information et qu'on la range dans la mémoire à long terme, ou encore lorsqu'on l'oublie.

"Nous essayons de comprendre ce qui se passe dans les synapses, c'est-à-dire dans la zone de connexion entre deux neurones où s'effectue le transfert d'information", explique-t-il.

Jusqu'à maintenant, on postulait que des changements permanents se produisaient dans les réseaux de connexions neuronales à la suite d'une expérience d'apprentissage afin d'expliquer le développement de la mémoire. Les travaux du Dr Castellucci ont montré que, lorsqu'un neurone sensoriel est activé par un stimulus, le nombre de boutons terminaux à l'endroit de la synapse concernée augmente du double; lorsque le stimulus est maintenu ou répété afin de produire une habituation, le nombre de boutons terminaux diminue.

 

Un cerveau en mouvement

"Cela démontre que la transmission synaptique entre les neurones n'est jamais fixe et qu'elle est continuellement modulée, souligne le chercheur. Son efficacité est changée à la suite d'un apprentissage, ce qui suggère que le système nerveux a la possibilité de se restructurer sous l'influence du milieu et des expériences quotidiennes."

Les recherches de Vincent Castellucci ont également permis de définir le rôle de certaines protéines, comme les phosphoprotéines et les protéines d'adhésion cellulaire, dans ces changements physiologiques ou structuraux permanents. Ces travaux tendent à confirmer l'hypothèse voulant que la mémoire ne soit pas le résultat de l'activité de certains neurones particuliers, mais le résultat de la consolidation de certaines connexions neuronales à la suite de l'apprentissage et de la stimulation.

"Si nos cerveaux se développent tous selon le même schéma de base, c'est la combinaison unique de nos expériences qui détermine notre individualité et notre personnalité", ajoute le chercheur.

Et le rôle des escargots là-dedans? Leur nombre limité de neurones (10 000 contre 15 milliards chez l'humain) et le maintien de leur propriété in vitro ont permis d'identifier les éléments neuronaux essentiels entrant dans l'exécution d'un réflexe.

"Les cellules de l'aplysie sont reconnaissables par leur position, leur taille et leur propriété électrique, poursuit le chercheur. Nous savons ainsi quel neurone stimuler afin d'obtenir un réflexe précis, comme la contraction du nerf de la branchie. La répétition de l'expérience permet d'observer les changements que cela occasionne aux synapses du neurone lorsqu'il y a habituation."

Ce type de réflexe modifié par l'apprentissage est commun à toutes les espèces animales, souligne le Dr Castellucci. "Mieux on connaîtra le fonctionnement des synapses, mieux on connaîtra les phénomènes comme la maladie d'Alzheimer et le vieillissement et mieux on pourra agir sur eux."

 

Prix du mérite scientifique

Ces travaux du professeur Castellucci viennent de recevoir une reconnaissance internationale. En novembre dernier, l'Académie des sciences de Turin décernait en effet au chercheur le prix international du mérite scientifique Maria Ferrari Soave e Dotore Luigi Soave. Les Soave sont des philanthropes qui ont voulu, par ce prix auquel est associée une bourse de 50 millions de lires (42 000$), encourager la recherche scientifique.

Sur présentation d'un dossier envoyé par la Faculté de médecine, ce prix lui a été décerné pour souligner explicitement ces travaux des 10 dernières années.

"J'en suis agréablement surpris, heureux et très fier, déclarait-il. D'autant plus fier qu'il s'agit de la première attribution de ce prix au terme d'un concours mondial. De plus, les travaux des 10 dernières années sont ceux que j'ai menés au Québec."

Notons que Vincent Castellucci est né à Montréal et a commencé sa carrière de chercheur aux universités de New York et Columbia, où il a travaillé pendant une vingtaine d'années avec le Dr Eric Kandel, une sommité mondiale du système nerveux et de la mémoire.

"Ce sont ces travaux que je poursuis à l'Université de Montréal après être revenu au pays sur l'invitation de Michel Chrétien pour diriger le Laboratoire de neurobiologie et du comportement à l'Institut de recherches cliniques", précise-t-il.

Un retour au pays qu'il ne regrette pas et qui lui a été profitable.

Daniel Baril

 Physiologie: une approche à double voie

La physiologie se distingue des autres disciplines du domaine de la médecine par l'accent mis sur l'étude des fonctions vitales à tous les niveaux de complexité de l'organisme.

"On peut ainsi partir du niveau moléculaire pour remonter à l'organisme tout entier, en passant par la cellule, les différents tissus, les différents organes et les grands systèmes. On peut tout aussi bien faire la démarche inverse, partir d'une fonction et rechercher les explications au niveau moléculaire", souligne le directeur du Département de physiologie, Vincent Castellucci, dans son rapport annuel.

Le Département possède quatre grands centres de recherche qui illustrent bien le caractère multidisciplinaire de son approche: le doyen de ces groupes, le Centre de recherche en sciences neurologiques fondé en 1967, le Groupe de recherche sur le système nerveux central, le Groupe de recherche en transport membranaire et le Groupe de recherche sur le système nerveux autonome.

Le Département compte en outre 25 professeurs, 10 chercheurs, 36 membres accrédités, 20 chercheurs invités et pas moins de 38 laboratoires subventionnés.


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