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Oubliez le Bescherelle, voici le Multi

Marie-Éva de Villers a saisi la norme de la société québécoise.

Marie-Éva de Villers, Multidictionnaire de la langue française, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1997, 1533 pages, 49,95 $.

Dans quel ouvrage peut-on trouver à la fois un dictionnaire, une grammaire, des conseils sur les difficultés de la langue française, les québécismes, les anglicismes à éviter, les solutions à ses problèmes de ponctuation, d'abréviations, de majuscules ou de féminisation?

Il semble bien n'y avoir qu'un ouvrage qui remplisse toutes ces fonctions, soit le Multidictionnaire de la langue française. La troisième édition de ce dictionnaire québécois conçu et réalisé par Marie-Éva de Villers, professeure en communication d'affaires aux HEC et directrice de la qualité de la communication, était lancée au Salon du livre de Montréal en novembre dernier.

Cet ouvrage unique, qui a reçu le Mercure Innovation décerné par la Chambre de commerce du Québec en 1990, a dépassé les 330,000 exemplaires vendus, dont quelque 80,000 en France. La troisième édition a été complètement remaniée et enrichie.

Mais pourquoi un dictionnaire québécois alors qu'il y en a tant d'autres sur le marché? "Parce qu'il n'y a pas d'outil de référence qui recense la majorité des problèmes rencontrés par les utilisateurs québécois, répond Mme de Villers. Par notre situation, nous rencontrons une foule de difficultés qui nous sont propres, comme l'usage des points cardinaux dans les adresses, les mots anglais, les constructions grammaticales ou appellations calquées sur l'anglais - pâte à dents pour dentifrice -, les formes fautives, les québécismes, les réalités particulières d'ici qui ne sont pas traitées dans les dictionnaires européens."

Le principal objectif des premières éditions était d'ailleurs de répondre à ces difficultés, d'où le titre d'alors: Multidictionnaire des difficultés de la langue française. Dans la nouvelle édition, le terme "difficultés" est disparu du titre. "Sans vouloir remplacer les dictionnaires de définitions comme le Larousse ou le Robert, nous avons voulu rendre l'utilisateur du Multi plus autonome parce que la personne qui écrit est de plus en plus souvent son propre éditeur. C'est pourquoi nous avons augmenté et précisé les définitions, ajouté des renvois aux modèles de conjugaisons pour les verbes et augmenté le nombre de locutions avec des exemples d'ici."

Les conjugaisons, la grammaire et des difficultés comme la formation de néologismes, la présentation d'un curriculum vitae ou la féminisation des titres et des fonctions font l'objet de plus de 200 tableaux. À ceci s'ajoutent, chaque fois qu'il est nécessaire, des notes sur le choix de la préposition, la détermination du mode du verbe, le choix de l'auxiliaire, l'agencement des mots dans la phrase et les constructions vieillies.

"Le Multidictionnaire de la langue française propose ainsi un nouveau genre de dictionnaire, caractérisé par une approche globale de l'usage plutôt que par la seule description du sens des mots", écrit en préface le directeur linguistique de l'édition, Jean-Claude Corbeil.

 

Le bon usage québécois

Le préfacier souligne également la position nuancée du Multi par rapport au rôle de normalisation que joue un dictionnaire. Un dictionnaire s'élabore habituellement en fonction de la norme sociale admise par la communauté linguistique; mais au Québec, des distinctions s'imposent.

"Inscrire un mot au dictionnaire lui donne droit de cité, explique Marie-Éva de Villers. Mais il est inacceptable d'inscrire un mot comme "pogner" - au sens d'"attraper" - sans aucune mention sur l'archaïsme de ce sens. Il y a certains mots qu'on peut se permettre d'utiliser dans la langue orale, mais un dictionnaire sert à l'écrit. Les Québécois souffrent d'une certaine insécurité linguistique et ils ont besoin de repères normatifs sur les niveaux de langage. C'est pourquoi il est nécessaire d'attirer l'attention sur les formes et les usages fautifs."

Mais comment déterminer cette norme sans tomber dans le ridicule du dernier Bescherelle qui recense "ouatcher", "farmer", "botcher" et "haguir"? "Notre norme est d'abord celle commune à tous les francophones de la planète et déjà déterminée par les dictionnaires existants, à laquelle nous ajoutons le bon usage propre à la désignation de réalités qui nous appartiennent. En gros, ce bon usage est celui établi par des organismes comme Radio-Canada, l'Office de la langue française ou des publications comme Le Devoir. Nous sommes parvenus à saisir la norme acceptée par la société québécoise et le Multi est devenu une référence", affirme la conceptrice.

Parmi les québécismes familiers ou de bon aloi, on trouvera "arrêt" (pour désigner le panneau de signalisation), "colocataire", "débarbouillette", "dépanneur", "écornifler", "garderie", "pitonner", "pourvoirie", "quétaine", "stationner", "traversier" et plusieurs centaines d'autres.

Sans oublier la féminisation des titres et des fonctions qui fera damner les académiciens de la trempe des Druon tout en marquant l'avant-gardisme du français québécois: "acupunctrice", "consule", "cybernéticienne", "factrice", "huissière", "lieutenante-gouverneure" ou "professeure".

La mise à jour d'un dictionnaire est une tâche à plein temps et quelqu'un est entièrement affecté à cette fonction chez Québec/Amérique, où l'on prépare déjà la quatrième édition du Multi. "Les québécismes seront considérablement étoffés dans cette prochaine édition", annonce Mme de Villers, qui d'ailleurs poursuit un doctorat sur ces particularités de la langue française sous la direction de Monique Cormier, du Département de linguistique et de traduction.

Daniel Baril

 

Trouvez l'erreur

Saurez-vous trouver et corriger ces formes fautives relevées par l'équipe du Multi dans les médias en septembre 1997?

"Les résultats financiers décevants pourraient affecter le cours du titre."

"Un spectacle destiné aux jeunes âgés entre 9 et 12 ans."

"Les pompiers se sont retrouvés avec des boyaux percés."

"Le ministre se demande qui a divulgué cette information."

"Le professeur a débuté sa carrière comme chargé de cours."

"L'organisme a lancé une levée de fonds."

"Le budget d'opération de la Ronde s'élève à..."

"Aucun représentant ne siège sur le conseil d'administration."

Ce sont là quelques exemples d'usages fautifs répertoriés dans le Multi, qui donne le renvoi aux formes correctes.

On pourrait encore ajouter, relevés au hasard: "émettre un communiqué, un avis à l'effet que", "jour de calendrier", "changer un chèque", "coupures budgétaires", "donner un estimé", "ligne d'attente", "pain de blé entier", "parler à travers son chapeau", "regaillardir", "supporter un projet", "au pire aller"...

Si vous n'êtes pas absolument certain de connaître la forme correcte, vous avez besoin du Multidictionnaire de la langue française.


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