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Créativité, critique et formation

Patrick Molinari

Quand je réfléchis à l'avenir de l'Université de Montréal, je tiens pour essentiel que ces trois objectifs soient promus avec détermination. Chacun révèle un trait spécifique de notre identité et doit guider nos actions pour que notre institution réalise la mission qui est la sienne. La proposition sous-tend cependant un enjeu de toute première importance: celui d'harmoniser les valeurs fondamentales qui animent notre milieu et caractérisent les apports que nous avons fournis tout au long de l'histoire d'une institution qui a puissamment contribué au développement du Québec. C'est dans la cohérence des choix et la cohésion entre celles et ceux qui les accomplissent que nous pourrons réaliser ces objectifs et rallier les appuis nécessaires.

On aurait tort de passer sous silence que notre université, comme toutes les autres, traverse une période de vive turbulence, mais les inquiétudes et les incertitudes que nous vivons s'inscrivent dans un contexte beaucoup plus vaste. Ainsi, le passage au prochain siècle joue un rôle considérable pour provoquer des remises en question, imposer des bilans et fixer des échéances pressantes. L'impression d'accélération du temps provoquée par les nouvelles technologies perturbe nos perceptions de la pérennité. Les universités ont pourtant franchi plusieurs siècles et elles franchiront sans aucun doute le prochain. Toute la question est de savoir comment elles poursuivront leur évolution et, plus immédiatement, comment nous poursuivrons la nôtre.

Les universités assument la responsabilité sociale de former celles et ceux qui constitueront la société future. Plus simplement encore, elles préparent l'avenir des sociétés. Si l'objectif de formation est prééminent, il ne peut être atteint sans que nous participions activement à la création du savoir et sans que nous disposions de la liberté de porter des jugements critiques sur le savoir et les usages que l'on en fait. L'université doit tout mettre en oeuvre pour que l'élève puisse dépasser le maître: si l'enseignement doit fournir aux étudiants la maîtrise du savoir, il doit aussi stimuler le désir de créer et de renforcer le pouvoir de critiquer.

En formulant ses objectifs de formation, l'Université de Montréal doit destiner aux étudiants une attention de première priorité. De la conception des programmes d'études à la qualité de l'encadrement, de l'accès à la formation professionnelle à l'intégration à la recherche, du soutien à l'accessibilité à la participation aux instances de la communauté, le choix des mesures doit converger vers les besoins et les aspirations de celles et ceux qui sont les bénéficiaires de notre mission.

C'est aux professeurs de notre institution que reviennent, au premier chef, les initiatives de développement et les choix d'orientation stratégiques. C'est aux assemblées qu'ils constituent au sein des facultés et des départements qu'il appartient d'apprécier les enjeux sectoriels et la qualité des contributions. La collégialité est la pierre angulaire de la gestion des universités: elle garantit l'équilibre des rapports et l'expression libre de la critique. L'Université de Montréal est fortement décentralisée et elle doit le demeurer tout en reconnaissant à la direction générale un rôle d'animation, de soutien et de coordination. Exercé en collaboration étroite avec les instances représentatives de toutes les catégories de membres de la communauté, ce triple rôle suppose que les relais avec les milieux et leur culture soient continus, faciles d'accès et fondés sur la confiance.

On a parfois reproché à notre institution d'exprimer sa spécificité en ayant recours à des modèles univoques qui imposaient un cadre unique d'orientation et d'évaluation. Si certains gestes ont pu conforter cette perception, je crois pour ma part que l'Université de Montréal doit avant tout permettre à chacun d'aspirer aux plus hautes exigences de sa communauté scientifique d'attache. C'est l'une des caractéristiques intrinsèques de notre institution d'avoir su, au fil de son histoire, appuyer tout autant le renforcement des secteurs traditionnels du savoir que l'émergence et l'affirmation de secteurs nouveaux. L'objectif de créativité assigné au développement de l'université ne peut être atteint sans favoriser la pluralité des modèles et sans affecter les ressources conséquentes.

La cohérence des choix que nous devons faire et la cohésion entre celles et ceux qui devront les accomplir sont des conditions nécessaires à notre avenir collectif. Elles déterminent une compréhension partagée de nos valeurs, de notre mission et de notre rôle social. La promotion de la place que l'Université de Montréal occupe parmi les universités québécoises ne peut être efficace que si elle prend appui sur ce que nous sommes et sur ce que nous choisissons d'être. C'est à cette condition aussi que nous pourrons accomplir des projets stimulants de complémentarité et de concertation. Il ne s'agit pas d'occulter ce que sont nos partenaires ou ce qu'ils veulent être, mais bien de reconnaître l'opportunité de trouver des effets de levier et de réunir des masses critiques. Aussi, il est impératif que nous affirmions que la banalisation des programmes universitaires n'est pas un substitut acceptable de leur balkanisation actuelle. Les stratégies déployées depuis longtemps dans plusieurs secteurs de recherche universitaire démontrent que la mise en commun des ressources et des expertises est un puissant ferment de développement.

L'Université de Montréal a acquis une expertise qui doit susciter la fierté de tous les membres de notre communauté, professeurs, enseignants, étudiants et employés. Cette fierté doit inspirer nos actions individuelles et collectives. Elle n'est pas à inventer, car elle est déjà présente dans la motivation de celles et ceux qui poursuivent chaque jour les objectifs de créativité, de critique et de formation. Il nous faut réunir ces actions pour en tirer les avantages collectifs et poursuivre notre mission. L'ouverture sur le monde, la maîtrise des technologies et le support à l'innovation sont au nombre des voies dans lesquelles nous devons rapidement nous engager et affirmer notre présence. Nous obtiendrons les appuis nécessaires auprès de la société québécoise et de ses citoyens en démontrant que leur contribution à notre développement a emporté et emportera des bénéfices qui seront entièrement retournés à nos partenaires sociaux. C'est là, je le crois fermement, la véritable finalité de notre mission.


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