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Les médecins peu préoccupés par la surmédication des aînés

Le GRASP étudie les nouveaux modèles de la régulation sociosanitaire.

 Hélène David

Un vaste projet de recherche en partenariat avec la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval est en cours depuis deux ans au Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention (GRASP).

"Nous cherchons à connaître et à comprendre les nouveaux modes de régulation sociale", explique la coordonnatrice du projet, Hélène David, également professeure invitée au Département de sociologie. "La régulation sociale désigne pour nous l'ensemble des mécanismes et des stratégies élaborés par les individus et les organismes afin de s'adapter aux changements sociaux. Dans chacune de nos recherches, quel que soit l'objectif particulier, nous cherchons à connaître quels sont les instruments que les gens se donnent afin de faire face à ces transformations et aux problèmes qui en découlent."

Le projet de partenariat porte plus particulièrement sur les aspects sociaux du vieillissement, la déficience intellectuelle, la santé mentale, l'appauvrissement, la désinstitutionnalisation, les nouvelles formes de solidarité sociale, les groupes communautaires, les nouvelles modalités de gestion de services et la consommation de médicaments. Trois dimensions sont prises en compte, soit l'environnement personnel de l'individu, les déterminants sociaux de la santé et les pratiques professionnelles en intervention sociosanitaire.

Ce dernier aspect connaît présentement une transformation majeure consécutive à l'entrée en vigueur de la nouvelle Politique de la santé et du bien-être. "Auparavant, le ministère de la Santé subventionnait des organismes et des établissements sans savoir quel était l'effet des interventions sur la santé publique, relate Mme David. Les frais exigés par exemple sur les ordonnances des personnes âgées visaient à diminuer la surconsommation de médicaments, mais sans qu'on se préoccupe des résultats et des conséquences. Avec la nouvelle politique, les stratégies d'intervention doivent donner des résultats observables dans la population. Les professionnels doivent donc remettre en question leur pratique."

 

"Myopie médicale"

Par rapport à la surconsommation de médicaments par exemple, les chercheurs du GRASP veulent revoir à la fois le rapport qu'entretient la personne âgée avec le médicament, la façon dont le médecin lui-même perçoit l'ordonnance et comment le milieu réagit à l'égard de la médication.

Les travaux ont déjà permis d'en savoir un peu plus de ce côté, du moins en ce qui concerne l'attitude des médecins quant aux psychotropes prescrits aux personnes âgées. Une recherche de Johanne Collin, de la Faculté de pharmacie, fait ressortir que les médecins trouvent plus dommageable de ne pas prescrire de médicaments aux personnes âgées que d'acquiescer à leur demande.

Selon les médecins, ne pas prescrire de médicaments risque d'entraîner chez la personne âgée une décompensation, une crise de panique, une dépression, un manque de sommeil, une aggravation de l'hypertension et des problèmes cardiaques, une consommation de médicaments sans ordonnance, de l'agressivité, etc.

Les risques associés à la prescription sont par ailleurs jugés beaucoup plus faibles: les doses sont minimes, les patients les tolèrent bien, cela les aide à demeurer fonctionnels, à mieux supporter la vieillesse, ils souffrent moins et sont moins malheureux.

"Le poids de l'expérience personnelle de ces médecins prévaut largement sur celui des statistiques, conclut Johanne Collin. On peut même penser qu'ils ne voient pas toujours les conséquences de la consommation à long terme chez leurs patients. Lorsque ces patients sont hospitalisés ou envoyés dans des centres d'accueil, ils sortent tout simplement de leur champ de vision."

La chercheuse va jusqu'à qualifier cette attitude des médecins de "myopie médicale".

Par ailleurs, les personnes âgées ne sont pas passives devant leur médecin. Elles font valoir un certain savoir profane lié à l'expérience, à la responsabilité, à la connaissance des médicaments afin de convaincre les médecins de les leur prescrire. Cette "expertise profane" renforcerait la tendance du médecin à la médication.

Quant aux solutions de remplacement, par exemple la relaxation, les saines habitudes de vie ou la thérapie, la recherche de Mme Collin montre que les médecins n'y croient pas beaucoup. Faire changer d'habitudes une personne de 75 ans leur paraît une cause désespérée alors que les autres solutions leur semblent peu efficaces.

 

Nouveau modèle de recherche

Des recherches de ce type, effectuées dans le cadre du partenariat avec la régie de la santé de Laval - qui porte le long titre de "Vers une nouvelle régulation sociale dans le domaine sociosanitaire: une alliance régie-université" -, constituent, selon Hélène David, un nouveau modèle d'organisation de la recherche sociale. "Tout en faisant place à la libre activité intellectuelle telle qu'on la conçoit en milieu universitaire, cette approche tend vers la résolution de problèmes sociaux particuliers. Ce projet de partenariat fait de Laval un terrain d'expérimentation et d'innovation sociale."

Au fur et à mesure que les travaux progressent, les données des observations sont communiquées aux intervenants de la région par le biais de conférences-midi. Ces rencontres deviennent des lieux d'échange entre les chercheurs et les personnes qui sont sur le terrain. Huit conférences sont déjà programmées d'ici juin prochain; on peut obtenir plus d'information en s'adressant au GRASP ou encore en y faisant une visite lors de ses portes ouvertes (voir l'encadré).

Daniel Baril

 Portes ouvertes sur le GRASP

Le Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention ouvre ses portes, lundi prochain, à tous les professeurs et étudiants désireux de mieux connaître ce qui se fait dans ce groupe de recherche.

S'adressant plus particulièrement aux étudiants et aux professeurs du domaine des sciences sociales et de la santé, l'activité permettra aux visiteurs de prendre connaissance des orientations générales et des activités de formation du GRASP, de découvrir son centre de documentation, de rencontrer les équipes de recherche - une quinzaine au total, composées de 12 professeurs de l'U de M et d'une trentaine d'étudiants -, de discuter avec elles des divers travaux en cours ou en préparation, de se procurer les documents d'information ou même les publications faisant état des recherches effectuées.

"Il est important qu'un centre de recherche ne soit pas fermé sur lui-même et s'ouvre aux étudiants, souligne la directrice du GRASP, Andrée Demers. La fonction recherche est essentielle pour former les étudiants et les centres de recherche constituent des lieux privilégiés où ils peuvent apprendre à travailler."

Les locaux du GRASP sont situés au 2801, boulevard Édouard-Montpetit. L'activité des portes ouvertes se déroulera le 24 novembre, de 15h à 18h . Pour plus d'information: 343-6193.


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