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Le «Nobel québécois» à Jacques Brault

Professeur retraité, il a passé 36 ans à l'Université de Montréal.

À la surprise d'une bonne partie du milieu de l'édition, le prix Gilles-Corbeil, l'un des prix littéraires les plus prestigieux du Québec - et de loin le plus «payant», avec une bourse de 100 000 $ - , a été attribué à Jacques Brault pour l'ensemble de son oeuvre. «Ça m'a fait plaisir, mais ça m'a étonné», dit-il de sa résidence de Saint-Armand, au cours d'un entretien téléphonique.

Conscient de ne pas être un écrivain «populaire», comme il dit, ce poète, romancier, essayiste et même peintre à ses heures a eu un parcours louvoyant et paradoxal.

En effet, c'est à titre de professeur en études médiévales qu'il entreprend l'une de ses principales contributions à la littérature... québécoise. Il rédige alors des analyses critiques de l'oeuvre du poète Hector de Saint-Denys Garneau et de celle d'Alain Grandbois, tout en participant à diverses émissions de radio et de télévision à Radio-Canada. Il passe ensuite au Département d'études françaises en 1980, où on lui confie des cours de littérature... médiévale.

Comme auteur, il n'a jamais cessé d'écrire. Ses livres sont bien reçus par la critique, mais touchent un auditoire restreint. On ne pouvait pas dire cela des deux précédents lauréats du prix Gilles-Corbeil, Réjean Ducharme en 1990 et Anne Hébert en 1993.

Dans un texte ironique, sinon cynique, la chroniqueuse de La Presse Nathalie Petrowski s'étonnait du choix du jury (composé de Gilles Marcotte, Pierre Ouellet, Élisabeth Nardou-Lafarge, Stéphane Lépine et Sheila Foshman) en disant qu'il couronnait un homme qui évite les débats publics comme les mondanités, préférant occuper le temps que l'espace. «Si Jacques Brault est un monument, il est avant tout un monument de modestie», écrit-elle. Des propos qui «indiffèrent» le principal intéressé.

«Je suis conscient de ne pas être très lu, admet-il d'un ton un peu gêné. Tout ce que je demande à mon éditeur, c'est de ne pas trop perdre d'argent avec moi. Un de mes livres, Agonie, a tout de même connu une réimpression.»

N'essayez pas de trouver ce livre au Service des bibliothèques de l'Université. Le seul exemplaire destiné à l'ensemble de la communauté est actuellement qualifié de «manquant» par le système informatique. Même chez Renaud-Bray, où l'on ne gardait que quelques exemplaires d'Agonie, on espère être réapprovisionné sous peu. Restent les recueils de textes Ô saisons, ô châteaux et La poussière du chemin dans la collection Papiers collés (Boréal), et quelques ouvrages de poésie.

Une retraite discrète

Alors que l'on a souligné de diverses façons le départ de Gilles Marcotte du Département d'études françaises (on a même publié des Missélanées en l'honneur de cet homme qui trouvait qu'il se publie trop de livres au Québec!), le départ de M. Brault s'est fait discrètement, en juin dernier. «Je suis passé par la petite porte», dit-il.

Depuis, il a été fort occupé. Il a notamment été nommé «écrivain en résidence» à l'Université du Québec à Montréal durant l'automne. Conférences, rencontres avec des étudiants, lectures se sont succédé sans interruption.

Au moins deux autres livres (un récit et un recueil de poèmes) sont en préparation, mais l'auteur se dit incapable de donner une date approximative pour leur parution.

«Miron le Magnifique»

M. Brault a été affecté par la mort du poète Gaston Miron, dont il était un compagnon de longue date, même s'il savait qu'un cancer le menaçait. «Nous avons fait des choses ensemble, j'ai écrit sur lui. Sa mort m'a beaucoup touché.»

C'est lui qui a donné au poète du carré Saint-Louis l'épithète «Miron le Magnifique», qui lui est resté toute sa vie. C'était le titre d'un essai paru aux Presses de l'Université de Montréal en 1966.

À savoir si l'auteur de L'homme rapaillé était «paresseux», comme l'a affirmé le journaliste français Bernard Pivot dans une émission récente de Bouillon de culture, Jacques Brault répond que le poète ne cessait jamais de peaufiner ses textes, de les récrire afin de les améliorer.

«C'est vrai, il a peu écrit, plaide-t-il. Et puis? Beaudelaire aussi a été l'homme d'un seul livre.»

M.-R.S.


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