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Témoignage


Noël Mailloux, dominicain

(25 décembre 1909 - 21 janvier 1997)

Dans un musée, il est de ces tableaux auxquels on aimerait que soit réservée une pièce entière tant sont considérables leur envergure, leur complexité, leur profondeur. L'oeuvre du révérend père Noël Mailloux évoque l'une de ces grandes fresques, car elle est, au sens strict du terme, incomparable. On lui doit la fondation de l'Institut de psychologie de l'Université de Montréal en 1942: par cette fondation, il devient le père de la psychologie au Canada français et le père de la psychanalyse au pays. Il sera d'ailleurs le directeur de cet institut à deux reprises, de 1942 à 1957 et de nouveau de 1969 à 1973.

Mais le rôle du père Mailloux ne sera jamais limité à celui d'un organisateur (même s'il était parfaitement conscient de la nécessité de structures institutionnelles); son rôle sera essentiellement celui d'un créateur: père de la psychologie au Canada français, il le fut certes, mais d'une psychologie très particulière qui comprenait nécessairement des aspects expérimentaux, mais aussi une profonde influence freudienne et les fondements de la philosophie thomiste. Et il faut ajouter à cela l'élaboration d'une véritable théorie de la délinquance et l'introduction d'éléments psychopédagogiques originaux. Aussi retrouve-t-on les nombreuses publications du père Mailloux dans des revues aussi diverses que La vie spirituelle, Annals of the New York Academy of Sciences et Pédagogie et Orientation.

Pour le père Mailloux, les frontières disciplinaires n'étaient pas sans danger: elles risquaient de restreindre les préoccupations du chercheur au point de lui faire oublier l'homme «corps et âme». Quand, en 1946, le père Mailloux fonde son premier périodique, il l'appelle La revue de psychologie, mais ce titre lui paraît par trop limité, terne, et il se sent beaucoup plus à l'aise avec sa seconde création, Contributions à l'étude des sciences de l'homme. Très tôt, il fonde le Centre d'orientation (un des premiers internats, au pays, pour des enfants atypiques), mais quand il met sur pied, en 1950, un grand centre de documentation, il aura pour nom Centre de recherche en relations humaines. Je crois que c'est là un des traits les plus caractéristiques du père Mailloux - sa passion pour l'homme dans son intégrité -, qu'il s'agisse de son devenir (il étudie l'enfant et l'homme mûr), de sa vulnérabilité (il analyse ses symptômes mais aussi ses forces secrètes) ou de sa vie spirituelle (pour lui, l'homme est un être religieux).

Jean-Claude Falardeau, s'adressant au père Mailloux, dans sa présentation à la Société royale en 1962, lui disait: «En vous, le chercheur, le thérapeute, le moraliste et le théologien se rencontrent en un constant et fécond colloque. Ils s'identifient l'un l'autre avec précision et prudence. Ils connaissent leurs champs respectifs de compétence. Ils s'entraident sans se nier. Ils se complètent sans se nuire. Ils s'harmonisent sans se diminuer.»

Puissions-nous retenir de ce grand bâtisseur que fut le père Mailloux sa profonde espérance de relations harmonieuses entre les personnes et au coeur des sciences de l'homme.

Thérèse Gouin-Décarie
Professeure émérite
Département de psychologie


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