[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]


Rigoletto, un «père manquant»?

Le personnage de Rigoletto, de Verdi, était un père manquant! C'est en tout cas l'image que le musicologue Guy Marchand s'en fait après avoir réfléchi sur l'oeuvre sous l'éclairage des écrits très contemporains du psychanalyste Guy Corneau...

«Il me semble évident que l'absence du père a causé une catastrophe chez la fille dans le drame de Victor Hugo Le roi s'amuse, dont Verdi s'est inspiré pour Rigoletto. En tout cas, en refusant de donner à la fille l'affection qu'elle aurait souhaitée de son père, Hugo en a fait une "femme qui aime trop" typique», explique Guy Marchand.

Conférencier bien connu (il anime depuis huit ans les Préludes à l'opéra aux Belles Soirées de la Faculté de l'éducation permanente), M. Marchand a mis sur pied depuis trois ans la série Opéramania à la Faculté de musique.

Pour un prix modique (5 $), le public est invité à assister à des projections sur vidéodisques de certaines des plus grandes productions du siècle. Trois semaines avant la première de l'Opéra de Montréal, il a ainsi accès à trois productions différentes.

«Pour Rigoletto, nous présentons par exemple la version de la Philarmonique de Vienne, en 1983, avec Luciano Pavarotti dans le rôle-titre. Un Pavarotti au sommet de son art. Puis une version surprenante propose une transposition de l'oeuvre dans le milieu de la mafia new-yorkaise des années 1950. Enfin, un film historique daté de 1947, produit par l'Opéra de Rome, est au programme.»

La technologie du vidéodisque au laser permet une qualité sonore équivalente à celle du disque compact et une image également très précise. Cependant, la majorité des gens qui possèdent cette technologie ne disposent que d'un écran de télévision pour en apprécier les mérites. Or, la Faculté de musique s'est dotée, en 1994, d'un lecteur de vidéodisques ainsi que d'un agrandisseur d'images à cristaux liquides qui permet une projection sur grand écran. Chaque année, la Faculté acquiert quelques nouveaux vidéodisques afin de compléter sa collection. Les acquisitions suivent, dans la mesure du possible, la saison de l'Opéra de Montréal.

Comme le nom de la série ne l'indique pas, Opéramania s'adresse à des gens qui ne sont pas nécessairement des mordus de cet art, qui allie musique et théâtre. Le travail mené depuis plusieurs années par Guy Marchand pour élargir le public d'amateurs, tant à la radio qu'à l'intérieur des Belles Soirées, en témoigne.

«Il me semble que les relations entre les hommes et les femmes sont conditionnées par des archétypes de comportement acquis pendant l'époque romantique et même avant. Cette connaissance renouvelle l'intérêt pour les grands classiques. En tout cas, on se rend compte en relisant Shakespeare, Victor Hugo et d'autres que nos idées ne sont pas aussi originales qu'elles en ont l'air», dit-il.

François Truffaut a montré, dans L'histoire d'Adèle H., le poids de l'absence d'affection paternelle dont a souffert la fille de Victor Hugo. Ce poids l'a menée jusqu'à la folie. Or, dans L'amour en guerre, que Guy Marchand vient de lire, l'auteur parle de la rupture nécessaire entre le père et sa fille, qui est une étape nécessaire pour permettre l'épanouissement mutuel et éviter l'inceste.

Ce thème est au centre de l'oeuvre de Victor Hugo. Quand on est sensibilisé à ces aspects, «on ne voit plus Rigoletto de la même façon», assure Guy Marchand.

Mathieu-Robert Sauvé

Série Opéramania (Rigoletto), projection d'opéras sur grand écran, les mardis et vendredis du 28 janvier au 14 février, Faculté de musique, 200, avenue Vincent-d'Indy, salle B-421; entrée: 5 $; réservations: 343-6427.


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]