Expérience pilote en ingénierie simultanée
Des étudiants en design joignent leur expertise
à celle des ingénieurs.
Deux équipes d'étudiants de l'École de design
industriel présentaient, en fin de trimestre dernier, des
prototypes de produits fort novateurs conçus dans le cadre
d'une expérience pilote en ingénierie simultanée
(EPGES).
«L'EPGES consiste à mettre en commun l'expertise
de différentes disciplines pour la réalisation d'un
même produit», a expliqué Alain Dardenne, professeur
responsable de cette activité organisée conjointement
avec l'École de génie mécanique de l'Université
de Sherbrooke. «Les projets actuels regroupent donc de futurs
designers et de futurs ingénieurs, mais le concept pourrait
s'élargir et inclure des spécialistes de l'ergonomie
et du marketing.»
Les deux équipes multidisciplinaires ont travaillé
pendant un an et demi sur leur projet respectif, soit un fauteuil
roulant permettant la position verticale et une motomarine au
profil futuriste assortie de plusieurs innovations techniques.
Record
de légèreté
«Il existe déjà sur le marché des fauteuils
à verticalisation, mais leur poids est un obstacle»,
souligne Éric Bussière, l'un des trois étudiants
en design, avec Aude Simard et Antonio Mori, qui ont réalisé
ce projet. «Le défi à battre était
51 livres, soit le poids du fauteuil à positions variables
le plus léger sur le marché.»
Le défi a été relevé avec succès
puisque leur fauteuil pèse 37,7 livres, une amélioration
considérable due au design, aux matériaux utilisés
et à la mécanique. Entre les positions assise et
debout, l'usager peut prendre la position «balance»,
qui lui permet d'accomplir certaines tâches autrement impossibles,
en se rapprochant de la surface d'une tablepar exemple.
Mais la trouvaille qui mériterait certainement un brevet
a été de remplacer les arceaux ajoutés aux
roues pour la propulsion manuelle par des «bras de propulsion».
Il s'agit de gaines de plastique couvrant les pneus et fixées
à l'essieu. Le sommet est fait d'un matériau souple
qui permet à l'usager de saisir la roue de la même
façon qu'avec les arceaux traditionnels.
Cette innovation présente plusieurs avantages: une réduction
du poids et de la largeur du fauteuil, une protection pour les
mains, qui ne risquent plus de frotter sur les pneus ou les arceaux,
et pour les doigts, qui ne se prennent plus dans les rayons de
la roue.
Tête de requin
et corps de guêpe
L'équipe qui a réalisé la motomarine n'est
pas en reste au chapitre des innovations. «Le design est
inspiré des motos de course mais aussi de la nature, notamment
des poissons et des insectes», fait remarquer Trong Nguyen,
en présentant le prototype en compagnie de ses coéquipiers
David Pouliot et Steve Jolin.
Vu du dessus, le bolide présente un corps de guêpe.
De côté, on observe des branchies, alors que de face
il offre un profil de requin marteau avec ses ailerons et ses
flotteurs.
Ces ailerons, munis d'une suspension, constituent une innovation
digne de mention; ils permettent trois points de contact avec
l'eau, ce qui offre une meilleure flottabilité et une stabilité
accrue dans les virages. Contrairement aux motomarines sur le
marché, celle des étudiants permet de maintenir
un jet d'eau lorsque le moteur tourne au ralenti, assurant ainsi
un contrôle de l'embarcation à l'état d'arrêt.
De plus, ils ont muni leur véhicule d'un feu arrière,
l'équivalent d'un feu de freinage, dont l'éclat
s'accroît lorsque la motomarine ralentit et qui atteint
l'éclat maximal une fois qu'elle est arrêtée.
L'équipe a conçu ce prototype, totalement fonctionnel,
en lien avec la compagnie Bombardier, qui a soutenu le projet
avec une subvention de 30 000 $.
Le fait de travailler en équipe multidisciplinaire semble
avoir été apprécié par les étudiants,
même si de telles expériences présentent de
nombreuses difficultés, ne serait-ce que d'avoir à
se déplacer entre Montréal et Sherbrooke pour des
rencontres de mise en commun.
«Chacun a ses propres méthodes de travail, a souligné
Aude Simard. La formation des designers, comme celle des ingénieurs,
les amène à se percevoir au centre de la méthode
et les autres autour. Il faut savoir s'adapter au contexte.»
Antonio Mori a pour sa part trouvé frustrant que l'approche
intuitive des designers se heurte aux procédés plus
méthodiques des ingénieurs.
Quoi qu'il en soit, la qualité des produits réalisés
témoigne, de toute évidence, d'une expérience
stimulante et enrichissante.
Daniel Baril