Volume 1, numéro 1

Psychologie
Dormir et conduire : c'est criminel

La fatigue au volant causerait de 41 à 54 % des accidents de la route aux États-Unis, entraînant des coûts annuels de 29 à 38 milliards de dollars. Pour Pierre Thiffault, dont la thèse de doctorat en psychologie à l'Université de Montréal porte sur les facteurs prédisposant à l'hypovigilance au volant, la question est d'autant plus préoccupante qu'on ne s'en soucie guère. "On ne mesure pas l'état de fatigue comme on peut le faire avec le taux d'alcool dans le sang, dit-il. Mais la fatigue cause de véritables hécatombes sur les routes."

Les gens dont la profession consiste à conduire un véhicule automobile sont particulièrement à risque. "Les camionneurs mettent en danger non seulement leur vie quand ils prennent le volant, mais également celle des autres, affirme le chercheur. Dans ma thèse, je me suis demandé s'il existait un moyen de prévoir qui, dans la population, était susceptible d'avoir des problèmes de vigilance au volant."

Comme pour tout acte qui exige de l'attention, la conduite automobile révèle des traits de notre personnalité. "Mon hypothèse était que les gens à la recherche de sensations fortes et qui sont plutôt extrovertis auront tendance à s'endormir durant des épreuves de conduite prolongée sur des routes qui présentent peu de défis pour le conducteur."

L'expérience a été menée au Laboratoire de simulation de conduite, sous la direction de Jacques Bergeron, professeur au Département de psychologie de l'Université de Montréal. À deux reprises pendant 40 minutes, 56 hommes se sont succédé dans la Honda Civic dont le moteur ne contient aucun piston mais des appareils électroniques et un enchevêtrement de fils. Sur l'écran devant eux défilait une route qu'ils devaient suivre sans s'endormir. Seuls de petits coups de vent venaient les obliger à retrouver leur trajectoire. La vigilance était mesurée par des capteurs capables d'enregistrer jusqu'à 50 faibles mouvements du volant par seconde.

En plus d'être concluante quant aux facteurs endogènes de la vigilance (les conducteurs extrovertis et qui aiment les émotions fortes sont moins vigilants sur de longues distances que les introvertis, peu enclins à rechercher les sensations fortes), l'expérience a démontré que des facteurs exogènes pouvaient diminuer le risque d'accidents dus à la fatigue. Par exemple, une route bordée d'arbres ou de lampadaires de la même dimension et à égale distance les uns des autres est plus dangereuse qu'une route qui présente les mêmes éléments de façon aléatoire

Chercheur : Pierre Thiffault
Téléphone : (514) 343-6111, poste 4610
Directeur : Jacques Bergeron, Faculté des arts et des sciences (Psychologie) - (514) 343-5811